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 Cinquantenaire de mai 68

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a.nonymous




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MessageSujet: Cinquantenaire de mai 68   Cinquantenaire de mai 68 EmptyMer 21 Mar 2018, 23:01

Citation :
La mixité à la cité U, premier combat de Mai 68

LE MONDE | 21.03.2018 à 10h31 • Mis à jour le 21.03.2018 à 12h36 | Par Soazig Le Nevé et Eric Nunès

« Interdit ». Le mot tintinnabule à de nombreuses lignes du règlement intérieur qui dicte et rythme, en cette année 1968, la vie des résidants de la cité universitaire de Nanterre. « Il est interdit de préparer des repas dans la chambre » (article 12). « Il est interdit de laver, faire sécher, repasser du linge dans la chambre » (article 12). « Il est interdit de planter des clous » (article 11). « L’usage des réchauds est interdit » (article 10). « La propagande politique ou religieuse est interdite dans la résidence » (article 15).

Dans ce règlement kafkaïen et carcéral, auquel l’autorité universitaire voulait soumettre des jeunes femmes et hommes d’environ 20 ans, c’est le caractère excessif de l’article 6, qui, il y a cinquante ans, a sonné la fin d’une autorité obsolète : il décrétait que « les visites des personnes étrangères sont interdites dans les chambres ». Quelques mois avant l’adoption de la loi Neuwirth et l’autorisation de la contraception, le 21 mars 1967, les garçons de la cité U de Nanterre investissent le bâtiment B, celui des filles. Ils y passeront la nuit entière. Prémices d’une révolte qui marquera, un an plus tard presque jour pour jour, le vrai départ de Mai 68 avec l’occupation par 142 étudiants de la salle du conseil des professeurs, au 8e étage du bâtiment de l’administration. Ce « Mouvement du 22 mars » 1968 sera l’étincelle.

Mai 68 a donc commencé, parmi la population étudiante, sur une exigence toute simple : pouvoir coucher avec son/sa partenaire dans sa chambre universitaire. C’est l’une des toutes premières revendications des étudiants depuis au moins 1965, date à laquelle se produit la première « occupation » du genre, à la cité universitaire d’Antony (Hauts-de-Seine). Etonnant constat, avec le recul, à l’heure où #MeToo dénonce les violences physiques et symboliques faites aux femmes, et bouleverse l’idée qu’on pouvait se faire des acquis concernant l’égalité des femmes depuis cinquante ans…

« En cours, les profs nous considéraient comme la future élite de la nation, mais dans la vie quotidienne, on était parqués dans des dortoirs, comme des enfants », se souvient Alain Lenfant, secrétaire de l’Union nationale des étudiants français (UNEF) à la fac de Nanterre entre mars et septembre 1968. Estimant que ce double discours était devenu intolérable (« Des futurs cadres du pays qu’on ne laissait pas aller voir les filles ! Inadmissible ! »), il n’était d’autre choix que de transgresser le règlement intérieur de « la cité carcan », déjà maintes fois contourné à bas bruit.

Pour mener cette première escarmourche pour plus de liberté, une nouvelle voix se fait entendre, « celle des femmes », rappelle Bernard Ravenel, cadre étudiant du Parti socialiste unifié (PSU). Alors que l’organisation de meetings politiques ou la distribution de tracts est l’apanage des hommes, à Antony, la bataille pour être libre d’être avec qui bon vous semble est surtout menée par les étudiantes. « De cette première victoire est restée une idée, poursuit l’ancien militant socialiste : les filles gagnent ! »

La mobilisation ne se relâchera plus. Les grèves contre les règlements et contre la cherté des loyers, les conférences et les débats sur « la répression sexuelle » et les happenings culturels se succèdent, au grand dam de l’administration, qui interdit les réunions à caractère politique et fait même fermer le foyer des résidants. Au soir de la Saint-Valentin, le 14 février 1968, plusieurs cités U sont occupées partout en France. Les étudiants déclarent « la liberté de circulation et l’abolition du rôle des concierges ».

La semaine suivante, le ministre de l’éducation nationale, Alain Peyrefitte, annonce un nouveau projet de règlement intérieur avec trois sortes de pavillons : le premier pour les garçons majeurs, le second pour les garçons mineurs et le troisième pour les filles, dont seules les majeures pourront sans autorisation se rendre chez les garçons majeurs, et pas après 23 heures. « Voilà la conception ministérielle de la liberté de circulation ! », ironise Jean-Pierre Duteuil, dans son livre Nanterre 1965-66-67-68. Vers le Mouvement du 22 mars (éditions Acratie, 2017, 19 euros).

Dans un tract de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) daté de février 1968, les étudiants décrivent « ce que n’est pas une vie normale ». Ils listent : « Avoir 20 ans et vivre en potache », « Ne pas pouvoir recevoir son père ou son frère dans sa chambre mais dans un foyer totalement impersonnel », « Demander l’autorisation pour danser dans un foyer qui nous est réservé »… Bref, « une ambiance malsaine », parce que « la société qui veille sur nous a peur des “abus” de la jeunesse ».

« Nous interdire de voir les garçons dans nos chambres, c’était parfaitement ridicule », relate Florence Prudhomme, qui étudiait la philosophie à Nanterre. « L’administration rouspétait, et nous, on rigolait bien. Pour qualifier l’occupation, le doyen de l’université Pierre Grappin employait le terme d’“envahisseurs” », dit-elle amusée encore cinquante ans plus tard. Jamais ledit recteur ne considérera que la mixité à la cité U était aussi une demande des filles. « Toutes nos revendications à nous étaient ignorées, non entendues, comme si elles n’existaient pas », relève Florence Prudhomme.

En 2018, le règlement intérieur établi par le Crous de Versailles prévoit toujours que « le droit d’occupation est personnel et nominatif ». « Autrement dit, nous n’avons le droit d’inviter personne ni même d’avoir un cochon d’Inde », ironise Farah, étudiante en philosophie, qui juge « encore particulièrement strictes ces règles de vie ». Dans sa chambre de 9 m², la jeune fille reçoit parfois son petit ami, mais en douce.

« On dit souvent que l’apport de 68, c’est la libération des femmes. Mais non, en 1968, il y a eu une seule réunion féministe à la Sorbonne et, jusqu’en 1970, aucune apparition publique de ce Mouvement de libération des femmes », ce MLF qui est sur le point d’éclore, souligne dans la revue Le torchon brûle la sociologue Nadja Ringart, elle aussi étudiante en 1968.

« Les femmes ? Il y en avait, mais elles étaient minoritaires, se remémore de son côté Alain Lenfant. Elles n’étaient pas dans une critique de leur position par rapport aux hommes. Il n’y avait pas de féminisme derrière. Le Mouvement du 22 mars, c’était la critique par la parole et la critique par l’action. »

Alors que le mouvement français pour le planning familial est fondé en 1960, la cause des femmes reste donc évanescente en Mai 68. Un « tour de passe-passe » que Florence Prudhomme décrypte très bien : « Le mouvement obéissait en fait à un schéma très traditionnel : les filles, c’étaient les tracts et les Ronéo et les gars, c’étaient le service d’ordre. »

Pendant ce temps-là, les avortements clandestins se poursuivent, au péril de la vie des femmes. Agir au côté des femmes battues, soutenir les prostituées, organiser des meetings sur le viol, lutter contre le féminicide et la misogynie sont, en revanche, les résurgences de la vocation première du MLF. « Lors des AG, on montait sur les tables et on parlait beaucoup de notre corps. Notre leitmotiv était “Notre corps nous appartient” et cela se déclinait en plusieurs sujets : contraception, viol, violences… », se remémore l’ancienne étudiante de Nanterre.

Pour les soixante-huitards, la question n’est pas là. Il faudra attendre 1975 pour que la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse soit votée… « De bien longues années », commente l’ancienne étudiante, qui a consacré sa vie à l’activisme féministe au sein du MLF.

Mais l’aurore d’une nouvelle décennie avance déjà, et le comédien et humoriste Jean Yanne (mort en 2003) a trouvé alors l’aphorisme qui conduira les années 1970 : « Il est interdit d’interdire. »
https://abonnes.lemonde.fr/campus/article/2018/03/21/la-mixite-a-la-cite-u-premier-combat-des-soixante-huitards_5274113_4401467.html
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tonton christobal

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MessageSujet: Re: Cinquantenaire de mai 68   Cinquantenaire de mai 68 EmptyVen 23 Mar 2018, 06:49

Depuis 68 heureusement les choses changent !

Nous ne sommes plus sous le joug intolérable du gaullisme
Depuis 81 le pays est passé comme le disait si bien d'jack (lang pas daniel's) de l'ombre à la lumière...

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Collectif d'extrême gauche : l'Université Paris-8 ciblée par le racisme «anti-blancs»
Par
Auteur
valeursactuelles.com

Photo illustation (c) Sipa
Société. Comme le révèle Le Figaro, un collectif d'extrême gauche s'est installé avec une centaine de migrants dans des locaux universitaires situés à Saint-Denis souillés par des tags anti-France, anti-blancs et homophobes.
Les mots sont d’une violence extrême et s’affichent sur les murs du bâtiment A de l’Université Paris-8 : «Français = PD», «Femmes, voilez-vous!», «AntiFrance vaincra», «Mort aux blancs», «Beau comme une voiture de police qui brûle», «Kill Cops »… Une litanie d’insultes anti-blancs, homophobes et de menaces révélés ce mercredi 21 mars dans les colonnes du Figaro. Depuis un mois et demi, un collectif d’extrême gauche s’est installé avec une centaine de migrants dans des locaux de l’université basée à Saint-Denis.
Nous dénonçons l'occupation sauvage d'un bâtiment de l'université #Paris8 #SaintDenis par quelques activistes d'extrême-gauche. Plus d'une centaine de clandestins y sont désormais logés
Informations sur les Publicités Twitter et confidentialité
«Mon exaspération devient profonde, avoue au Figaro une enseignant-chercheur sous couvert d’anonymat. Certains de mes collègues ont reçu des menaces de mort. Maintenant, on en arrive à des graffitis racistes partout sur les murs. Ce ne sont pas les migrants, les pauvres. Ils ne parlent pas français. Ce sont plus probablement les membres du collectif d’extrême-gauche. » Un collectif accusé d’instrumentaliser les migrants. Alors que la présidence de Paris-8 s’évertue depuis un mois et demi à mettre en place une conciliation avec les occupants,  une plainte va être déposée par l’université.

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On sent l'esprit d'ouverture, de tolérance, le désir profond de "vivre ensemble" en harmonie... selon les principes de la gauche généreuse.
le respect de la femme s'exprime tout comme la concorde entre gens de couleurs différentes, on perçoit le sens des valeurs de notre pays, la conduite républicaine dont on nous rebat les oreilles s'affiche dans toute sa splendeur.

Et "en même temps" les parents financent le fonctionnement d'un établissement universitaire, le salaire des enseignants et prennent en charge leurs enfants qui ne vont pas étudier...
Que font les tronches molles en charge des fonctions dites régailennes de ce pays ? RIEN

Si c'est ce genre d'expression populaire qui est l'héritage de 68, désolé mais je ne suis pas preneur. Comme certains enfants de vedettes je suis déshérité.

NB Pour que le tableau soit parfait il ne reste plus qu'à déclencher une chasse aux fachos populistes désignés à la vindicte populaire comme responsables de ce désordre..

Es qualité de petit vieux à plumer je constate avec plaisir que ce que l'état me pique est bien utilisé... état qui en passant est infoutu de faire cesser la "chienlie" j'cause comme à l'époque.
 
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tonton christobal

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MessageSujet: Re: Cinquantenaire de mai 68   Cinquantenaire de mai 68 EmptyDim 25 Mar 2018, 13:27

Cinquantenaire de mai 68 Univer10

entrée d'un samlle de cours au mirail.... on est heureux de payer des impôts !

Ce n'est pas 68 et le gaullisme c'est maintenant avec le macronisme...
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a.nonymous




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MessageSujet: Re: Cinquantenaire de mai 68   Cinquantenaire de mai 68 EmptyMar 29 Mai 2018, 19:35

Citation :
En Mai 68, la Lainière de Roubaix au fil de la grève

Mai 68 à travers la France (1/3). Dans ce fleuron de l’industrie textile du Nord, la contestation sociale couvait déjà depuis un an. Les « événements » ont encouragé les ouvrières à cesser, elles aussi, le travail.

LE MONDE | 29.05.2018 à 06h44 • Mis à jour le 29.05.2018 à 09h27 | Par Béatrice Gurrey (Roubaix, Hem, Wattrelos (Nord), envoyée spéciale)

Ses doigts hésitent un instant, tournent en tous sens la ficelle et soudain, le voici : le nœud de tisserand. Le plus solide, le plus plat, celui qui se renforce à mesure que l’on tire les extrémités de la laine ou du coton. Interdiction d’en faire un autre, plus facile, sous peine d’être repérée par un contremaître – qui surveille et chronomètre tout. Ce geste, ancré dans la mémoire du corps, répété des centaines de milliers de fois, resurgit des mains de Marie-Colette Patin, 72 ans.

Il arrivait qu’elle en fasse jusqu’à 2 500 par jour, à la Lainière de Roubaix, en 1968, rivée à son bobinoir. Quand l’encadrement voulait lui faire payer son engagement syndical à la CFDT, il lui donnait des bobines qui cassaient tous les 50 cm. Plus ses doigts s’usaient, plus son esprit s’aiguisait. Aussi vrai que le nœud de tisserand se renforce à mesure que l’on tire sur le fil. « Je chantais et je préparais les réunions dans ma tête. »

La Lainière, comme on le répète alors à l’envi, est l’une des plus grandes et des plus modernes usines d’Europe : 13 hectares au sol et près de 23 hectares en surface développée. Une ville dans la ville, constituée de gigantesques ateliers sur six étages, qui tournent jour et nuit, avec ses « donjons », son « couloir de l’Horloge » – un kilomètre de long, sept mètres de large – où l’on pointe sous une énorme pendule. Un territoire de 17 hectares au total, bordé par les rues d’Oran et des Patriotes, le boulevard de la Liberté et le chemin de fer. L’usine fait partie du paysage. Elle est le paysage.

Les parents, les enfants, les cousins, les copains, tous y travaillent, 5 800 salariés, dont 65 % de femmes, et en particulier les 1 500 « filles des mines ». Ces ouvrières sont debout avant la fin de la nuit, à 2 h 30, 3 heures, pour attraper le car brinquebalant qui les emmène de leur petite ville minière à Roubaix, où elles embauchent à 5 heures. Les véhicules tiennent avec des fils de fer et les filles ont dû se battre pour obtenir des couvertures. Le prix du trajet, qui dure entre une heure et demie et deux heures, est en partie retenu sur leur salaire.

Bernadette Leroy, 79 ans, originaire de Sallaumines et militante à la CGT, s’alarme un jour d’un car qui gîte dangereusement. Les ouvrières menacent de dénoncer le risque encouru à la préfecture, et le lendemain, tout rentre dans l’ordre. La syndicaliste se félicite d’une si prompte réparation, mais à la descente, les filles rigolent : « Tu parles ! Ce matin, ils ont fait monter les grosses d’un côté et les maigres de l’autre… »

L’entreprise est très rentable, c’est le joyau d’une dynastie sur laquelle règne encore Jean Prouvost, troisième du nom, industriel et homme de presse de génie, parfois. Il finance sa passion, qu’elle s’appelle Marie-Claire ou Le Figaro, grâce à la Lainière de Roubaix, créée soixante ans après le Peignage Amédée-Prouvost, fondé par son grand-père.

L’héritier, à la tête des pelotes de laine Pingouin et des pulls Rodier, est aussi un as de la communication, qui devient, en 1961, le sponsor d’un groupe de rock. Son chanteur, Eddy Mitchell, reste sans voix en écoutant son premier disque sur Europe n° 1. « Eddy Barclay avait passé sans nous consulter un accord avec Jean Prouvost, le très riche propriétaire de la Lainière de Roubaix, qui fabriquait les chaussettes Stemm. Ce dernier lançait alors sa nouvelle gamme de chaussettes noires avec une bordure rouge », raconte-t-il dans Il faut rentrer maintenant (entretiens avec Didier Varrod, La Martinière, 2012). Les Five Rocks sont rebaptisés, à leur insu, Les Chaussettes noires et reçoivent en contrepartie des instruments neufs ainsi qu’une caisse… de chaussettes.

Sept ans plus tard, l’inexorable déclin de l’empire a commencé. Le textile et son fleuron, la Lainière, qui vient d’avaler Masurel, fusionne, délocalise, restructure. Mai 68 survient dans un contexte de luttes sociales engagées depuis au moins un an. Une manifestation pour l’emploi a réuni plus de 4 000 personnes à Roubaix en décembre 1967, rappelle Bernadette Leroy : « Cela ne s’était pas vu depuis le Front populaire. » Les ouvrières, aguerries dans les combats des mineurs, ont obtenu les premières primes de licenciement chez Crépy, une grande filature de coton, et des « avantages » qui démontrent, en creux, la dureté de leurs conditions de travail.

Elles ont désormais droit à une pause-sandwich d’un quart d’heure au lieu de prendre leur repas assises sur une caissette, dans un bruit d’enfer, en respirant la poussière de laine ou de coton. Si la chaîne se déréglait, si les fils s’emmêlaient pendant ces quelques bouchées avalées à la hâte, gare… Quant aux salaires, ils ne sont pas mensualisés – en février, mois court, la paye est plus maigre –, l’heure de travail vaut 2,22 francs et un surplus de productivité « à hue et à hue » ne rapporte que quelques centimes. Au bout du compte, très peu d’argent. Les jeunes touchent 30 % de moins que leurs aînées et n’ont pas le droit de prendre le monte-charge entre les étages, à la retorderie, 180 marches à monter et à descendre. La première revendication, en mai 1968, dans les filatures, c’est cela : gagner décemment sa vie.

Chez Prouvost-Masurel comme à la Lainière, la décision est vite prise. La grève, maintenant. Et même, précise Marie-Colette Patin, avec un jour d’avance, « pour ne pas se faire doubler par l’extrême gauche et les étudiants », dont la rumeur annonçait la visite. Les électriciens coupent le courant, d’autres ouvriers ferment l’usine. Elle vient d’être élue déléguée syndicale, elle a 22 ans, et on la pousse sur une estrade de fortune avec un micro. « T’expliques que ça y est, on est en grève. »

Commencent alors trois semaines d’un combat auquel personne n’était vraiment préparé. Et pourtant, tout s’organise. D’abord, préserver les machines. Elles sont prêtes à repartir du jour au lendemain. « C’était pas la chienlit, chez nous », s’amuse Marie-Colette Patin. La direction a tenté d’envoyer les forces de l’ordre pour faire rouvrir l’usine, inquiète pour les millions de francs de matériel contenus à l’intérieur. « On a fait rentrer le directeur, on lui a montré que tout était impeccable, il ne voulait pas l’affrontement », observe-t-elle.

Les femmes sont là de 4 heures du matin à 23 heures, les hommes dorment dans l’usine. A toutes les entrées du domaine industriel, des employés en grève sont postés en vigies. Georges Dubois, mari d’une jeune femme chargée de contrôler, avant le tissage, les bobines qu’il convoyait en camion, garde l’une des portes avec ses collègues. « On tapait le carton, on discutait beaucoup. Il est arrivé qu’on mette dehors manu militari des étudiants qui s’étaient infiltrés avec des drapeaux noirs. Ça, on n’en voulait pas. On se battait pour nos salaires, pas pour des idées », note celui qui préside aujourd’hui, à 73 ans, l’association des Amis de la Lainière et du textile.

Ne franchissent pas non plus les portes, les contremaîtres honnis qui avaient tenté de relancer en douce la production. Camille Baert, 72 ans, qui travaillait dans les « grands bureaux », à l’administration, rapporte que des cadres avaient essayé de pénétrer sur le terrain par le petit ruisseau qui le traversait, le Riez, charriant les eaux usées de l’usine. Peine perdue – et ils avaient échappé de peu à la baston.

Dans le pot à lait en aluminium de sa mère, ouvrière à Saint-Liévain, Camille Baert prépare des litres de café, tartine des sandwiches et participe de tout son cœur au mouvement. C’est une « riousse », une fille qui rit tout le temps et qui parlerait « à un kien habillé » (« chien », en ch’ti), c’est-à-dire à tout le monde. Elle touche un salaire plus décent que les ouvrières, un treizième mois, elle est mensualisée et travaille de 8 heures à midi et de 14 à 18 heures. Mais elle ne supporte pas l’injustice, et elle est mariée à un militant communiste, cégétiste, Alain Baert, qui a passé son enfance dans la cité ouvrière Amédée-Prouvost.

Lui travaille au service d’entretien du tramway, également en grève, et passe ses nuits derrière les grilles de l’entrepôt. « Quand les petits cons de bourgeois sont venus nous narguer avec leurs voitures décapotables, prêts à nous cogner, on les a accueillis avec les tuyaux à incendie. » Alain Baert en rit encore.

Les jours de grève ne sont pas payés et l’argent vient assez vite à manquer. Henri Martiens, membre des Petits Frères de Jésus, confrérie laïque inspirée par le père Charles de Foucauld, fait le tour des commerçants pour glaner de la nourriture et un peu d’argent. « Mange, toi aussi, Henri, arrête de tout distribuer », gronde Camille. Des quêtes sont organisées pour aider les familles nombreuses qui manquent de tout pour leurs enfants, la ville de Roubaix distribue des bons d’alimentation et une solidarité sans faille permet vaille que vaille de passer ces trois semaines sans salaire. La Voix du Nord du 29 mai 1968 rapporte que, depuis le début des grèves, 6 000 familles ont déjà été inscrites au bureau d’aide sociale de Roubaix. Les Jeunesses ouvrières chrétiennes (JOC), encore très puissantes, le Secours populaire, le PCF, les syndicats, tous vont dans le même sens.

« Le soir, on dansait au milieu de la rue qui traversait l’usine », aime à se rappeler William Langlois, 73 ans, ex-« soigneur de continu à filer », qui transformait les mèches de laine en fils. « La Lainière, pour moi, c’était le bagne. Les gens couraient partout. Au pelotonnage, les filles étaient usées à 25 ans. L’été, elles travaillaient sous des verrières, par 40° C. L’écheveau, qui pouvait faire une centaine de mètres, se dévidait à toute allure. » Le mécano, à l’occasion, réduisait discrètement la vitesse. Alors, en 1968, en dépit d’une lutte incertaine et dans la crainte de lendemains qui déchantent, ce fut aussi la fête, le corps qui danse, le corps qui se repose.

« Avant, les gens ne faisaient jamais le lien entre les décisions politiques et leur propre vie, leur travail, leur logement, leur salaire. Mai 68 a été une prise de conscience de classe », juge Marie-Colette Patin. « Un mouvement, ça ne se décrète pas, ça se sécrète. Il y avait un bouillonnement extraordinaire. Jeter Mai 68, c’est nous jeter, nous, lance-t-elle cinquante ans après des événements qui ont fondé sa vie militante. Nous, le Mai 68 qu’on a vécu, c’était un cri de libération, des gens qui se mettaient debout. » Elle est impressionnante, Marie-Colette Patin, quand elle dit cela.

Après les accords de Grenelle, l’heure de travail est passée à 3 francs et la liberté syndicale est devenue une réalité. Une forme de peur s’est effacée, aussi.

Mais il a fallu continuer, parfois de mère en fille, comme Martine Deboeve, à tirer sur des cônes de fil de 2,5 kg chacun, placés si haut qu’on pouvait recevoir 5 kg sur la poitrine, à les enfiler sur des broches, à pousser le chariot de 160 kg, à travailler sous les néons, dans un bruit démentiel, à balayer jusqu’à trois tonnes de laine par jour…

La grève terminée, Camille Baert a été virée des « grands bureaux ». On l’a affectée à la facturation en cartes perforées, dans l’usine. Elle n’a jamais occupé plus de quatre ans un poste dans un même service, ils fermaient tous les uns après les autres. Huit services en trente-six ans de Lainière. Et elle a vu sombrer dans la dépression ses chefs qui n’avaient plus de travail. Camille a fini au standard téléphonique – « J’étais connue de tous ! » Jusqu’au jour, où, à la toute fin du XXe siècle, il n’y a plus eu personne au bout du fil à la Lainière.
https://abonnes.lemonde.fr/decryptages/article/2018/05/29/en-mai-68-la-lainiere-de-roubaix-au-fil-de-la-greve_5306163_1668393.html
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