Google maps ou google earth n’existe pas encore. Pourtant les premières photos vues du ciel sont publiées ; on les doit en région parisienne à André Schelcher qui depuis le début du siècle saisit toutes les opportunités possibles pour être membre d’équipage des aéronefs muni de son appareil photo.
Il s’est spécialisé dans la photographie aérienne et vient de publier Paris et ses environs vu d’en haut. Le voici pris en photo alors qu’il se prépare pour un envol en 1911.
C’est à lui que l'on vient de confier la mission de comprendre ce qui s’est passé en ce 17 avril 1913.
Toute la France a été secouée d'un frisson d'angoisse et de stupeur en apprenant la catastrophe du ballon sphérique le Zodiac XIV, qui a fait cinq victimes, dont quatre aviateurs militaires. Catastrophe sans précédent dans les conditions où elle s'est produite; d'autant plus inexplicable que le ballon libre passe avec raison pour offrir une sécurité relative très grande, et que le Zodiac était piloté par un aéronaute expérimenté, entouré de quatre aviateurs.
André Schelcher, est chargé de l'enquête par l'Aéro-Club de France. Il a pu reconstituer les moindres détails de cette course à la mort. Grâce en particulier au témoignage de Monsieur Spengler, électricien, qui a suivi toutes les phases du drame sur la commune de Fontenay-sous-Bois.
Voici Monsieur Spengler pris devant le lieu dit de la villa de l'Espérance, endroit où il était au moment du drame.
Schelcher fidèle à lui-même se rend sur les lieux avec son appareil photographique et s'attelle à rédiger le déroulement de cette randonnée fatale.
On sait que, sur la demande du ministre de la Guerre, l'Aéro-Club de France organisaitassez régulièrement des ascensions réservées uniquement aux aviateurs, officiers ou soldats, afin de les familiariser avec les choses de l'air. Tous les jeudis, des pilotes ou futurs pilotes prennaient ainsi part à des ascensions dont les départs étaient donnés au parc aérostatique de Saint-Cloud.
En ce jeudi, 17 avril, le Zodiac, cubant 1.600 mètres, part donc, ayant à bord le pilote Aumont-Thiéville, dont c'était la cent vingtième ascension, et quatre aviateurs militaires: les capitaines Clavenad et de Noüe, le lieutenant de Vasselot et le sergent Richy.
Le temps était incertain; nuageux, avec averses. Schelcher dresse une carte pour nous aider à comprendre le déroulement les événements au dessus de Fontenay sous bois.
Comme les passagers hésitaient, interrogeant le ciel, l'un d'eux s'écria, en gamin de Pans: «Oh! pas de chichis, ou mettra: ni fleurs ni couronnes», et l'équipage sauta dans la nacelle.
Une ondée finissait; le ballon s'éleva à 2 h. 10.
Alourdi par la pluie, il gagne péniblement en altitude, parvenant toutefois à s'équilibrer normalement. La traversée de Paris s'effectua dans des conditions assez heureuses, mais avec une dépense de lest importante. Le livre de bord retrouvé sur un des officiers porte les notes suivantes:
Lest au départ, 180 kilos. Pression barométrique, 755 millimètres.
HEURE ALTITUDE LEST OBSERVATIONS
2 h. 10 départ.
2 h. 15 425 m. 160 k. Sur Paris.
2 h. 20 840 m. 140 k. Sur tour Eiffel.
2 h. 25 025 m 100 k. Nuage Vincennes.
2 h. 30 725 m. Mer de nuages Fontenay sous Bois.
2 h. 35 Puis, plus rien...
L'aérostat est aperçu rasant terre, choquant tous les obstacles qu'il rencontre.
Voici les résultats de son enquête. (Les lettres majuscules correspondent à celles qui jalonnent son diagramme détaillé.)
A.--Après être monté à 1.200 mètres—altitude, en dépassant les nuages, le ballon commence à descendre.
B.--En retraversant un nuage très chargé d'eau et de grêle, la condensation rapide du gaz rend la descente vertigineuse; les 100 kilos de lest qui, d'après le livre de bord, restaient à la disposition du pilote et qui, en cas normal, suffisent amplement pour descendre progressivement de cette altitude, sont rapidement épuisés.
C.--A 100 mètres au-dessus de la gare de Fontenay-sous-Bois, traversée du chemin de fer. Le guiderope prend terre et le ballon rase les maisons de Fontenay. Connaissant le danger d'un atterrissage rapide dans ces conditions, le pilote tente de franchir d'un bond l'agglomération qui s'étend sur la hauteur devant lui.
Mais le guiderope traîne de toute sa longueur sur les toits, que la nacelle frôle à moins de 50 centimètres; ce freinage provoque des «coups de rabat», d'autant plus dangereux que la vitesse est grande, qui plaquent le ballon au sol et l'y retiennent comme «poissé», même si, délesté, il tentait de se relever.
D.--Le pilote, avec calme, profite d'un mouvement de recul du ballon pour larguer, sans le couper (la boucle intacte en fait foi), son guiderope qui fut retrouvé villa de l'Espérance, à cheval sur la maison portant le n° 10, la «queue de rat» formant l'extrémité devant la grille et dans la direction de Paris.
Aucun choc n'a encore eu lieu.
De la Villa de l’espérance le témoin oculaire assiste au premier choc sur la maison qui tua sans doute trois des aéronautes et dont on voit les traces sur le mur; le ballon, en poursuivant sa course déviée, a abattu la cheminée de l'angle gauche du toit—
La photographie suivante a été prise en montant sur le mur de l'appentis, au-dessous du point.
Plus loin, on retrouve dans des jardins peu propices à un atterrissage, une bouteille et les bâches, prudemment retirées à l'avance de leur filet resté à sa place. Allégé du poids de ces objets, le ballon se met en légère montée, et le pilote peut avoir l'espoir de franchir la colline. Malheureusement, après quelques secondes, insuffisantes pour permettre le jet du lest de fortune, la pluie et la grêle ramènent le ballon au sol.
E.--La nacelle est plaquée sur la façade d'une maison basse, isolée sur la colline, appartenant à une certaine Madame Juriecwiez. La violence du choc fut considérable; à la vitesse du vent évaluée à 50 kilomètres à l'heure s'ajoutait la force du mouvement pendulaire qu'avait pris la nacelle après l'abandon du guiderope.
Un témoin, qui habite près de la maison fatale, a vu nettement, au moment du choc des officiers debout dans la nacelle. Quand celle-ci, après un instant d'arrêt, remonta verticalement en pulvérisant l'avance du toit et la cheminée, on n'apercevait plus personne à bord. Seul, un bras pendait.
La tourmente faisant rage, nul cri n'avait été perçu. On se précipita au pied de la maison pour secourir les passagers sans doute tombés du panier. On ne trouva qu'un passe-montagne et un képi.
Sur les cinq hommes, ceux qui étaient le plus rapprochés du mur au moment du choc durent être tués sur le coup: Aumont-Thiéville, le capitaine Clavenad et le sergent Richy. Tous trois, en effet, furent relevés plus tard, le crâne défoncé. La blessure de Clavenad semblerait indiquer qu'à la minute tragique il se tenait courbé.
E.--Le ballon plonge ensuite dans le jardin de M. Humblot; la nacelle pique en terre, rebondit, arrache le faîte d'un mur au pied duquel tombe la montre-bacelet de Clavenad, dont le bras était en dehors; puis la nacelle retombe dans le jardin suivant.
Le jardin de M. Humblot, derrière la maison précédente; la nacelle, après avoir heurté le sol au point marqué par une croix et détruit deux arbres de l'espalier, a écorné le faîte du mur.
--La photographie suivante a été prise, en sens contraire de la course du ballon, du petit toit désigné par le point
G.-H.--M. Spengler, qui poursuit le ballon depuis la gare de Fontenay, escalade le mur; il voit la nacelle ratisser un labour et s'enlever à nouveau au moment où il croit l'atteindre. Il entend alors distinctement ce suprême appel: «Sauvez-nous!»... Le ballon s'échappe, brisant encore une clôture de planches et écornant un toit. Dès lors, l'équipage ne donnera plus signe de vie; c'est un panier de morts ou d'anéantis qui se balance sous la sphère.
De l'autre côté du mur à espalier, la nacelle laboure la terre, se dirigeant vers le fort de Nogent-sur-Marne.--Sous le point , la maison contre laquelle avait eu lieu le premier choc.
Au point culminant, au fort de Nogent, l'aérostat se trouve à faible hauteur; un cycliste militaire saisit la corde du sac à bâches qui pend de la nacelle, mais il est vite obligé de la lâcher, et le ballon traverse la cour du fort en évitant les bâtiments.
On voit ici le mur du bastion sud du fort de Nogent sur lequel la nacelle s'est plaquée, laissant une large tache de sang qu'on voit encore sur la photographie, juste au-dessus de la tête de la personne photographiée
I.-Il se trouve arrêté dans le bastion sud où la nacelle se plaque à nouveau sur un mur, laissant une énorme tache formée par le sang accumulé dans la nacelle. Le baromètre, arraché de sa gaine, roule sur l'herbe avec le statoscope. Labourant le glacis, le ballon sort du fort, marquant son passage par des gouttes de sang que la pluie n'a pas voulu encore effacer.
Le ballon, qui n’est plus dirigé finira par reprendre de l’attitude comme pue le faire un ballon crevé dont l’air en s’échappant sert de moteur à propulsion.
Ayant franchi Nogent sur Marne le Zodiac XIV se met en vrille et chute brutalement pour finalement s’écraser à Noisy le Grand.
Corbet, garde-chasse, qui se promenait aux alentours de la propriété de M. Cahen d'Anvers, au lieu de chute voit le ballon «se vriller», puis devenir une loque qui s'aplatit sur le sol.
Il était alors 2 h. 45. Ce drame épouvantable qui s'est déroulé sur un trajet de 10 kilomètres depuis la descente vertigineuse jusqu'à l'atterrissage, avait duré exactement dix minutes.
La véritable clef du drame étant à Fontenay où le ballon, quoique possédant encore une force ascensionnelle bien suffisante pour se maintenir dans les airs, fut précipité et plaqué à terre par la violence de la tempête.
Le ballon en question
L'enquête montrant en fin de compte que la corde de déchirure ait été tirée, ouvrant sur plus de 30 cm le panneau de déchirure situé au sommet de l'enveloppe. Cette manoeuvre se faisant normalement à un mètre de sol, juste avant l'atterrissage. Pourquoi cette action fut-il entreprise au dessus de notre ville personne ne le sait vraiment.
Fausse manœuvre probable entre une nouvelle mesure de délestage et le tirage de la corde de déchirure pourtant enveloppée d'une large bande d'étoffe rouge qui la distingue nettement de toutes les autres commandes. Ce qui est sûr c’est que la traction de cette corde en altitude provoque la chute certaine du ballon comme cela fut décrit par les témoins.
Pour beaucoup cela reste un vrai mystère puisque le pilote principal, ici dans sa nacelle
Jacques Aumont-Thiéville était un militaire expérimenté de ce type de vol.
En revanche il était accompagné de 3 jeunes brevetés de l’ année 1912.
A savoir le capitaine Henri de NOUE et le lieutenant Hilaire-Marie-Louis de VASSELOT DE REGNE, affectés l'un et l'autre à l'aviation le 23 octobre 1912et sur le point d'obtenir le brevet de pilote
Et le sergent Henri RICHY, breveté pilote le 15 octobre 1912.
Les hypothèses avancées auront été que le pilote a dû demander de l'aide à ses passagers pour maitriser son engin à travers les rafales de vent. Non expérimentés, l'un d'eux a dû commettre une fausse manoeuvre dans le maniement des cordes de commandes, provoquant la chute fatale de l'aérostat.
On notera que ce n’est pas à Fontenay sous Bois mais à Noisy le Grand que l’événement a donné lieu à la construction d’un monument à la mémoire de cet incident, puisqu’érigé à l’endroit où le zodiac XIV a finalement terminé sa course.
Appelé monument du ballon il est situé, clin d’œil peut-être, Impasse Neil-Armstrong, à Noisy-le-Grand. Ce monument, en hommage aux pionniers de l'aviation, étant érigé entre les deux guerres, à l'emplacement du point de chute de l'aérostat, donc.