Les faits - L’ancien conseiller de Lionel Jospin à Matignon, Alain Christnacht, va succéder à Gilles le Chatelier à la tête du cabinet de Christiane Taubira. L'avocat lyonnais a lui choisi de reprendre une vie normale. S'il parle de la ministre de la Justice comme d'une "femme compliquée et exigeante", il assure que son départ n'a rien de politique.
La Garde des Sceaux l’a annoncé à ses conseillers mercredi soir. Christiane Taubira s’est choisi un nouveau directeur de cabinet en la personne d’Alain Christnacht. Ce haut fonctionnaire, âgé de 68 ans, succède ainsi à Gilles le Chatelier, avocat lyonnais qui avait quitté la place Vendôme mi-avril. Le nouveau bras droit de la ministre de la Justice va quitter la présidence de la neuvième sous section de la section du contentieux du Conseil d’Etat. Sa nomination intervient alors qu’il venait d’être nommé en avril président des conseils d’administration de l’UCPA, dont il était trésorier depuis 2011.
Plusieurs candidats ont été reçus par Christiane Taubira place Vendôme. Le parcours d’Alain Christnacht a parlé pour lui. Enarque, il a été conseiller de Lionel Jospin à Matignon, de 1997 à 2002, en charge des affaires intérieures et de l’Outre-mer. Il a participé aux accords de Nouméa et au « processus de Matignon » sur la question Corse. Après l’échec de Jospin à la présidentielle de 2002, cet ancien préfet des Côtes d'Armor, également secrétaire général puis Haut-commissaire en Nouvelle Calédonie, avait été nommé au Conseil d’Etat. Alain Christnacht a aussi tracé sa route aux côtés de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, où il était en charge des relations avec les Eglises. Depuis 2008, il fait partie de la direction du think tank Terra Nova, proche du PS et coprésidé par Michel Rocard. En 2011, il avait pris le poste de directeur général de la Fédération française de football. Membre du conseil d'administration des Scouts et Guides de France, il avait été nommé en 2013 par Jean-Marc Ayrault à l’Observatoire de la laïcité. Un CV bien fourni donc.
Le Premier ministre, Manuel Valls, lui a confié en juillet 2014 une mission sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. « C’est un barbouze, son arrivée place Vendôme est une manière de mettre la chancellerie sous contrôle de Matignon et de l’Elysée », soupire un connaisseur des arcanes du ministère.
Le nouvel homme fort de la Justice est le quatrième directeur de cabinet de la ministre en trois ans, après Christian Vigouroux, Christine Maugüe puis Gilles le Chatelier. Ce dernier a quitté ses fonctions mi-avril, un an après son arrivée à la chancellerie. Certes, il concède que ça n’a pas été « toujours simple de travailler avec Christiane Taubira », « une femme compliquée et exigeante qui n’a pas un caractère facile ». Mais s’il part, c’est pour des « raisons personnelles ».
« Mon départ ne cache aucun désaccord avec la ministre », assure-t-il. Il a fait le choix de revenir à une vie plus « normale » et retrouve le cabinet d’avocats lyonnais Adamas. « Entre la vie professionnelle et la vie personnelle, il y a un moment où l’on finit par mal faire les deux », confie Gilles le Chatelier.
Voilà donc le vide comblé. Cela faisait un mois et demi que la chancellerie fonctionnait sans directeur de cabinet. Les 17 conseillers référaient directement à la ministre. Il n’a pas été simple de trouver le bon profil. Il faut dire que la garde des Sceaux est sans arrêt donnée partante. « C’est compliqué de prendre un risque pour quelqu’un dont on ne sait si elle va rester », souligne Gilles le Chatelier. Même si Christiane Taubira fait partie des cinq membres du gouvernement toujours à la même place depuis mai 2012. Et puis, la ministre de la Justice est réputée pour être dure et autoritaire. Après la parution cette semaine d’un article dans Le Canard enchaîné, titré « Le cabinet de Taubira réduit en esclavage », les principaux intéressés ont décidé de répliquer. L’idée leur est venue de publier une photo d’eux, tout sourire, sur Twitter. Ils ont demandé l’autorisation de la garde des Sceaux. « Faites ce que vous voulez », leur a répondu Taubira. « Nous avons été blessés. Etre réduit en esclavage voudrait dire que nous sommes est des larves, des ectoplasmes, fulmine une conseillère. Il n’y a personne de malheureux ici ». Place Vendôme, le quotidien est difficile. Mais tous sont prêts à sacrifier leur vie personnelle. Jusqu’à un certain point.
http://www.lopinion.fr/21-mai-2015/changement-tete-place-vendome-24478