Communication : la stratégie de l’échec d’Emmanuel Macron
Celui qui prétendait ouvrir la France sur le monde actuel et rester maître de son agenda n’en fini pas de se prendre les pieds dans le tapis jaune.
Par Olivier Maurice.
Lorsqu’il publia son livre programme intitulé Révolution, il y a peu de chance qu’Emmanuel Macron prévoyait que deux ans plus tard, jour pour jour, il se retrouverait dans les chaussures de Louis XVI avec lequel il partage à la fois la prestance du gendre idéal, la passion pour les horloges et la totale déconnexion avec le monde qui l’entoure. Il y a peu de chances qu’il pensait se retrouver un jour barricadé dans son palais avec la garde essayant par tous les moyens de maintenir la colère populaire à distance.
Celui qui prétendait ouvrir la France sur le monde actuel et rester maître de son agenda n’en finit pas de se prendre les pieds dans le tapis jaune. Et ce n’est pas sa récente annonce de convoquer dans l’urgence des États Généraux pour discuter de la transition écologique qui lui permettra de reprendre la main sur le cours des événements.
Depuis quelques mois, Emmanuel Macron erre dans son propre pays. Complètement perdu, il semble chercher désespérément une issue, tout comme Louis XVI qui demandait sa route dans une auberge.
Désastre rue de Varenne
Je tire mon chapeau au Premier ministre et aux ministres qui doivent essayer de s’y retrouver dans cette communication qui change de stratégie toutes les semaines. Je n’aimerais pas me retrouver non plus à la place de l’un de ces députés de la majorité, dont c’est d’ailleurs pour beaucoup le premier mandat, quand il doit essayer d’expliquer ce qui se passe dans sa permanence.
Car non content de n’avoir toujours pas compris ce que veulent les Français : des actes (et surtout des sous) et non des discours, des trajectoires, des aspirations, des itinérances mémorielles ou de l’agitation parlementaire, la communication gouvernementale navigue entre un film des Charlots et un épisode de Jackass, en termes de records du nombre de gaffes par seconde.
Où est donc passé la startup nation ? Est-ce cela le nouveau monde ?
On en deviendrait complotiste par dépit, las de chercher en vain où Emmanuel Macron veut en venir : on se demanderait si la démission de Gérard Collomb ne serait rien d’autre que la fuite devant l’étendue d’un désastre annoncé, désastre qu’en fin politique celui-ci aurait deviné comme étant inéluctable.
On se creuse le crâne pour essayer de saisir un sens à chaque coup de billard politique à 37 bandes au moins, tant la subtilité de la manœuvre semble nous échapper.
Stratégie n°1 : l’échec individuel et collectif
Première stratégie de défense : si le pays va mal, c’est de la faute des Français, de ces Gaulois râleurs qui se plaignent sans arrêt et ne font même pas l’effort minimal de traverser la rue pour trouver du travail.
Quelle matière donner à cette accusation ? Quel objectif poursuit ici le chef de l’État ? (autre que celui de rejeter la faute sur le manque de passages cloutés).
Si il y a une logique, ce n’est surement pas celle affichée à la première page de son livre : « Le pays, lui, dans son ensemble, n’a pas échoué. Il le sait confusément, il le sent. De là naît ce « divorce » entre le peuple et ses gouvernants. » Ou comment dire une chose et deux ans plus tard son exact contraire. Comment tomber le plus rapidement possible dans le travers que l’on dénonce.
Stratégie n°2 : le retour des années 30
Car non content de n’avoir toujours pas compris ce que veulent les Français : des actes (et surtout des sous) et non des discours, des trajectoires, des aspirations, des itinérances mémorielles ou de l’agitation parlementaire, la communication gouvernementale navigue entre un film des Charlots et un épisode de Jackass, en termes de records du nombre de gaffes par seconde.
Où est donc passé la startup nation ? Est-ce cela le nouveau monde ?
On en deviendrait complotiste par dépit, las de chercher en vain où Emmanuel Macron veut en venir : on se demanderait si la démission de Gérard Collomb ne serait rien d’autre que la fuite devant l’étendue d’un désastre annoncé, désastre qu’en fin politique celui-ci aurait deviné comme étant inéluctable.
On se creuse le crâne pour essayer de saisir un sens à chaque coup de billard politique à 37 bandes au moins, tant la subtilité de la manœuvre semble nous échapper.
À la veille de la commémoration de la fin de la Première guerre mondiale, Emmanuel Macron se lançait dans une diatribe sur la paix, la guerre et l’entre-deux guerres, se perdant lui-même au passage en mélangeant traité de Versailles et traité de Paris. Il y dressait un tableau apocalyptique d’une Europe « divisée par les peurs, le repli nationaliste, les conséquences de la crise économique ».
Comment comparer la dépression de 29 à la situation économique actuelle où la plupart des grandes puissances affichent avec insolence des indicateurs économiques record (un taux de chômage de 4 % aux États-Unis et en Angleterre, de 3,4 % en Allemagne, une croissance de 4 % aux USA, de 7 % en Chine et en Inde etc.) ?
Le président ignore-t-il Internet et pense-t-il que les Français soient incapables de comprendre que la « crise économique » qui a bon dos depuis 9 ans est avant tout une exception française due à l’accumulation de taxes, d’inaction et d’incompétence ? Comment peut-on confondre ainsi la peur avec la colère et la frustration qui secouent le pays ?
Stratégie n°3 : la croisade verte
Après s’être mis à dos Nicolas Hulot, et tenté de convertir Donald Trump au bonheur de l’écologisme, il ne lui restait plus qu’à se fâcher avec Ségolène Royal. Ainsi le président aura fait le vide écologiste autour de lui et pourra se lancer tout seul, sans aucun appui, dans une croisade que l’on a vraiment du mal à voir autrement que comme une excuse de circonstance pour remplir les caisses désespérément vides de l’État.
Même les écologistes les plus convaincus qui n’en sont pas à une entourloupe près (comme augmenter les bouchons et faire tourner les moteurs à l’arrêt pendant des heures pour faire augmenter la pollution) ont trouvé la ficelle trop grosse.
Emmanuel Macron a-t-il vraiment cru qu’il serait crédible en Don Quichotte sauvant la planète après s’être fait élire sur un programme où il prétendait sauver la France ?
Stratégie n°4 : la 5° colonne
Nouveau bouc émissaire, nouvelle leçon de stratégie morale et politique délivrée aux gilets jaunes : ceux-ci vont se faire manipuler, ils vont se faire récupérer.
Comme si Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon attendaient sagement l’autorisation du chef de l’État pour avoir leur avis et le crier haut et fort. Pendant toute une semaine la question a donné lieu à une gigantesque tartufferie de la part des chaines d’info dont la première question à n’importe quel homme politique était invariablement : « allez-vous tenter de récupérer le mouvement des Gilets jaunes ? »
Au cas où Emmanuel Macron l’aurait oublié, la démocratie repose sur l’existence de partis politiques sensés agréger et porter (c’est-à-dire récupérer) les opinions des électeurs.
Stratégie n°5 : le putsch d’extrême droite
Voyant sans doute que les explications précédentes n’avaient pas marché, voici que ressort la vieille ficelle usée jusqu’à la corde du danger de l’extrême-droite et de l’action violente de son bras armé rebaptisé pour l’occasion ultra-droite (serait-ce pour ne pas stigmatiser les 10 millions de personnes qui n’ont pas voté pour lui le 7 mai 2017 ?)
Heureusement que la « vraie » extrême-alt-ultra-droite (celle d’Anders Breivik – 77 morts et 151 blessés, de Barush Goldstein – 29 morts et 125 blessés, de David Copeland – 1 mort et 111 blessés, d’Alexandre Bissonnette – 6 morts et 8 blessés, du massacre de Bologne – 85 morts et 200 blessés, de Gundolf Köhler – 13 morts, 211 blessés, etc…) ne devait pas regarder la télé ce jour-là, ou tout du moins n’a-t-elle pas répondu à l’invitation.
Stratégie n° 6 : la pédagogie
Si les Français sont contre la politique d’Emmanuel Macron, c’est parce qu’il ne l’ont pas comprise. Il faut donc redoubler de pédagogie. Il faut donc que dorénavant les Français remplissent leur réservoir avec de la pédagogie…
Stratégie n° 7 : parler pour ne rien dire
Après avoir essayé de tourner autour du pot dans toutes les directions possibles, Emmanuel Macron a finalement dû renoncer au nouveau monde. Il a été contraint de reprendre la seule stratégie de communication que semblent maîtriser les présidents de la République depuis des années : celle qui consiste à noyer le poisson, à abreuver l’audience sous un flot de mots vides de sens et d’actes de contrition : « je vous ai entendu, je vous ai compris, je prends la mesure des événements… »
La France de Macron et la France
Le divorce entre le peuple et les gouvernants est consommé. Emmanuel Macron en a été l’ultime artisan. Le Frexit a eu lieu : la France des Gilets jaunes et la France des Vélibs ont fait sécession.
Le pays parle désormais deux langues différentes, celle d’Emmanuel Macron et celle de ceux qui en ont marre de payer des impôts pour moins de services publics, pour des fonctionnaires à l’autre bout du pays, pour un maquis de subventions et d’assistanat, marre du chômage et des prix qui ne font qu’augmenter, marre d’un pays à la traîne dans un monde en pleine croissance, marre qu’on leur promette la lune et que l’on fasse mine de les écouter sans jamais les comprendre, marre qu’on leur pose toujours la même question sans jamais écouter leurs réponses : « Mais qui est John Galt ? »