2019 : quoi de neuf ?
S’il est difficile de prévoir ce qui va se passer en 2019, il est toutefois possible de tracer quelques lignes d’une année qui s’annonce dense.
L’Europe tout d’abord, avec les élections à venir et le Brexit attendu. Les élections européennes ne passionnent jamais et l’abstention y est toujours très forte. Difficile en effet de mener campagne uniquement sur les questions européennes ; cette élection est souvent parasitée par des questions d’ordre nationales. L’enjeu est français bien sûr, mais surtout européen. Est-ce que les partis dits populistes arriveront à obtenir une majorité à Strasbourg ? Comment va peser la question migratoire dans ce scrutin, le premier depuis la grande vague de 2015. Les peuples ont la parole et ils devraient se faire entendre fortement. Si les partis dits populistes devaient l’emporter, est-ce que cela aura un effet sur le fonctionnement de la Commission et sur les décisions prises ? Rien n’est certain. Chacun est néanmoins convaincu que l’Union européenne ne peut pas continuer sur son train-train habituel, n’écoutant pas les clameurs qui s’élèvent de chaque côté.
2019 verra aussi le Brexit devenir effectif et le Royaume-Uni quitter l’Union. En théorie, car il est aussi possible qu’un second référendum ait lieu et que les Britanniques votent cette fois pour le maintien dans l’UE. En ce début d’année, c’est l’incertitude complète qui demeure. Nul ne sait quel accord sera trouvé sur le Brexit, comment sera réglée la question délicate de la frontière irlandaise et comment la City de Londres maintiendra son rang de grand pôle financier. Et si le Royaume-Uni restait finalement dans l’UE après un second référendum ? Au fur et à mesure que l’échéance approche, la tension augmente. Ces deux événements, élections et Brexit, mettent le continent européen au centre des enjeux du monde pour 2019, car personne ne peut dire aujourd’hui ce qu’il en sortira. D’autant que nous ne sommes pas à l’abri d’une crise de l’euro, qui ferait valser les pays du sud. L’Europe, qui renvoie l’image d’une vieille dame léthargique et dépassée pourrait donc être le centre de nombreuses secousses durant l’année.
Catastrophes annoncées. Ce sont des événements redoutables que l’on annonce chaque année, en sachant qu’ils soumettront le monde à de fortes tensions quand ils se produiront, mais sans savoir quand ils auront lieu. Ainsi de l’Algérie, dont on attend la mort du président Bouteflika depuis plusieurs années. Celui-ci est de nouveau candidat à la présidence, bien qu’il soit impotent et grabataire et que sa mort a été annoncée plusieurs fois comme imminente. Elle finira bien par avoir lieu. Or celle-ci ouvrira une grande porte de chambardement pour le pays. La guerre des clans fait rage à Alger, entre les membres du clan Bouteflika et les militaires désireux de prendre le pouvoir. La manne pétrolière et gazière s’épuise, et donc les ressources sociales dont dispose le régime pour calmer la jeunesse désœuvrée. Tout le monde redoute un effondrement de l’Algérie, qui pourrait entrainer avec elle la Tunisie et le Maroc. Les mouvements djihadistes sont encore présents dans le sud du Sahara et l’armée française a reconnu son impuissance à les éradiquer au Mali, par manque de moyens. Au Maroc, les islamistes ont gagné les élections et dirigent la coalition depuis plusieurs années. Le Maghreb est donc une zone à surveiller en priorité. L’Europe, toujours elle, est en première ligne. Est-elle capable de résister à une nouvelle vague de migration ? Peut-elle stabiliser l’Afrique du Nord pour éviter un effondrement de l’Algérie ? Dans tous les cas, c’est la France qui sera en première ligne. Sans elle, rien ne peut se faire, mais elle ne peut pas non plus faire les choses seules.
L’Afrique : danger. Et puis il y a l’Afrique, donc du travail encore pour la France. Six élections présidentielles doivent se tenir en 2019 : Algérie, Libye, Nigéria, Sénégal, Tunisie. C’est dire les remous qu’il va y avoir au Maghreb. En Libye, il est tout à fait probable que le fils Kadhafi remporte la mise. Cela permettrait de stabiliser le pays, mais cela serait un camouflet terrible pour les Occidentaux qui ont renversé le père en 2011. Huit années de perdues et de chaos alors qu’une transition père fils aurait pu être négociée. Au Moyen-Orient, l’Europe a fait preuve d’une illusion constante.
Au Nigéria et au Sénégal, le pire est à craindre, tant les élections présidentielles africaines finissent souvent en guerre ethnique. Le cas du Congo n’est toujours pas réglé et les violences y sont nombreuses et constantes. Alors qu’il devait être la locomotive de l’Afrique, le Nigéria est aujourd’hui en train de dérailler. Le nord du pays, musulman, est entré en sécession contre le sud chrétien. La guerre civile larvée obère le développement de ce géant qui comprend 190 millions d’habitants. Ce n’est pas rien. Les mafias nigériennes sont très actives en Europe dans les réseaux de prostitution, que ce soit en Italie ou en France. Elles font souvent des alliances avec les mafias napolitaines et albanaises. Ce trafic humain gangrène le pays et l’affaiblit davantage.
À surveiller. Quelques pays pourraient faire parler d’eux en 2019. La Turquie d’abord. Erdogan se voit de plus en plus en nouveau sultan. Il rêve de contrôler la Syrie, et pourquoi pas le Liban, et ainsi de retracer les frontières virtuelles de l’Empire ottoman déchu. Pourquoi ne pas intervenir aussi en Algérie, en Tunisie et en Libye, profitant des élections présidentielles et des troubles qui peuvent les accompagner ? Il est l’homme fort du Moyen-Orient et il semble capable d’imposer sa volonté aux chefs d’État européen qui ne comprennent pas toujours le rôle qu’il souhaite jouer. Reste à voir si la Turquie aura les reins financiers assez solides et si les troubles sociaux ne vont pas la bouleverser.
Aux États-Unis, Donald Trump va continuer à faire son show. Sur le plan national, l’enjeu majeur est le mur avec le Mexique, qui est aussi un enjeu politique, car c’est une promesse de campagne. Après le retrait de Syrie, il peut être tenté de se retirer d’autres pays, et notamment d’Afghanistan. L’isolationnisme américain est une idée neuve, car, traditionnellement portés par les républicains, ceux-ci s’étaient convertis à l’interventionnisme sous l’effet de l’influence des néo-conservateurs de l’époque Reagan.
Toujours sur le continent américain, il va falloir suivre les premiers pas de Jair Bolsonaro. Les défis qui l’attendent sont immenses : chômage de masse, corruption, violence endémique. Il ne pourra pas tout résoudre en une année. Mais l’Amérique latine va très mal. L’Argentine ne se remet pas de la démagogie des années Kirchner, le Venezuela est toujours aux prises du chavisme et en Bolivie, Evo Morales veut briguer un autre mandat, alors que la constitution l’interdit. Il n’y a que le Chili qui surnage et qui semble avoir pris le train du développement continu. La réussite du Brésil est essentielle pour servir de modèle aux autres pays et pour tirer le sous-continent vers le haut. Ces pays sont très francophiles. La France aurait intérêt à s’y investir et à y accroître sa présence, plutôt que de se fixer à l’Afrique, qui ne représente que 7% des exportations françaises, dont 2.7% pour l’Afrique noire. Alors que les États-Unis sont détestés en Amérique latine et que l’Espagne et le Portugal ont renoncé à y jouer un rôle majeur, la France aurait tout intérêt à y renforcer ses positions. Elle bénéficie d’une image positive, notamment dans le cône sud, et elle partage avec ces pays de nombreuses valeurs communes. Il y a là une carte d’avenir à jouer, tout comme dans le Pacifique.
Des points positifs. Dresser les lignes d’avenir d’une année qui débute revient souvent à lister les problèmes qui vont surgir, ce qui peut être déprimant. Le pire n’est jamais certain et l’avenir peut aussi être radieux. Il y a donc plusieurs points positifs qui peuvent émerger en 2019. D’abord les Corées, dont les relations se sont réchauffées. Sans aller vers une réconciliation, ce qui n’est voulu par aucune des parties, les rapports peuvent être plus cordiaux et plus ouverts. On semble avoir échappé à la guerre qui était presque promise en 2017. Preuve que la paix peut aussi avancer et que la réconciliation est possible.
À surveiller aussi, le gisement pétrolier du Kashagan, au Kazakhstan. Le chantier a débuté aux débuts des années 1990, notamment conduit par Total. La première goutte de pétrole est sortie à la fin de l’année 2016 et la production croît de façon régulière. Or le Kashagan dispose de réserves plus importantes que l’Arabie Saoudite. Certes, les conditions climatiques sont extrêmes, avec des températures oscillantes entre 40C° l’été et -40C° l’hiver, mais il est extrêmement prometteur. Si cela devait s’avérer exact, c’est toute la géopolitique du pétrole et de l’énergie qui serait bouleversée et l’Eurasie qui deviendrait l’un des centres du monde, aux portes de l’Europe.
Enfin, l’année 2018 s’est conclue par l’attribution du prix Nobel de physique à un Français, Gérard Mourou, ce dont presque personne n’a parlé. Il a été récompensé pour ses recherches sur le laser, pour avoir mis au point une méthode de génération d’impulsions optiques ultra-courtes de haute intensité. Celle-ci permet d’obtenir des puissances considérables jamais atteintes jusqu’à présent. Sa technique est utilisée en ophtalmologie pour l’opération de la cornée. Or, d’après Gérard Mourou, ce laser surpuissant peut détruire les déchets radioactifs. En projetant le laser sur les atomes, il est possible de modifier les neutrons donc la propriété de l’atome lui-même. Ce qui fait que la radioactivité peut passer d’un million d’années à trente minutes. Le scientifique estime qu’il sera possible de faire un usage industriel de cette technique dans dix à quinze ans.
Si c’est le cas, il n’y aura donc plus de déchets radioactifs à stoker, ce qui lève la principale prévenance à l’égard de l’énergie nucléaire. Cela bouleverserait le domaine de l’énergie, en faisant du nucléaire la principale source d’énergie pour beaucoup de pays. L’année 2019 sera l’occasion de perfectionner son laser et son usage industriel pour les déchets radioactifs. Si, selon ses dires, il n’y a pas d’usage intensif avant 2028, cela fait tout de même un motif d’espérance majeur pour la décennie à venir.