Destruction de la démocratie et de l’état de droit
MILLIERE GUY
POSTÉ LE 29 JANVIER , 2019, 6:26
En France, la démocratie a depuis longtemps un statut précaire. Et l’état de droit lui-même, au sens lockéen du terme, n’a jamais vraiment existé.
J’avais, il y a quelques années, publié avec des amis juristes un livre collectif appelé « Avancer vers l’état de droit » qui traitait du sujet.
La démocratie en France a été suspendue lorsque la France est devenue un État autoritaire en 1940, et il n’y a plus eu même le spectre d’un état de droit en France pendant cinq ans.
En 1958, le Général de Gaulle aurait pu créer un régime autoritaire, mais a dit qu’il n’entendait pas commencer une carrière de dictateur.
La Ve République s’est mise en place et, quoi que je puisse reprocher par ailleurs au Général de Gaulle, il s’est conduit de manière assez démocratique.
Sa légitimité ayant été remise en cause par mai 1968, il a provoqué des élections législatives anticipées, puis, lorsqu’il a organisé un référendum et l’a perdu, il est parti.
Après lui, une dérive a pris forme peu à peu.
Les années Mitterrand ont été sordides et immorales.
Les années Chirac n’ont pas valu mieux, et l’élection présidentielle de 2002 a vu s’affronter au deuxième tour un homme corrompu jusqu’à la moelle et un autre totalement diabolisé, ce qui a permis l’élection du corrompu.
Un référendum a eu lieu en 2005, dont le corrompu n’a tenu aucun compte.
Les deux successeurs de Chirac ont été indignes d’une démocratie, chacun dans son style, et ont contribué à ce que se poursuive la déliquescence enclenchée.
Les élections de 2017 ont été une forme de summum.
Un candidat donné favori a été éliminé par une campagne de démolition juridico-médiatique massive.
Un candidat quasiment sans programme et préfabriqué a été vendu à la population comme un baril de lessive et a été élu grâce à l’invocation d’un inexistant « péril fasciste ».
Une assemblée nationale dotée d’une majorité ne représentant pas le peuple a été élue dans un contexte d’autodestruction de plusieurs partis politiques.
Dix-huit mois plus tard, le candidat préfabriqué devenu Président, à force de mépris envers la population, s’est trouvé face à une révolte.
Plutôt que de prendre en compte celle-ci et d’y répondre, il a choisi d’insulter les révoltés et de les écraser par la force.
Et, plutôt que de tenter de se relégitimer en décidant d’organiser des élections anticipées, il a décidé de suivre obstinément sa trajectoire en organisant un simulacre de « grand débat » sous protection policière massive.
Ce simulacre lui permet de mener campagne pour les élections européennes en disposant d’un avantage absolument écrasant, puisqu’il peut mobiliser à son service tout l’appareil d’État et disposer des médias de façon peu ou prou illimitée, ce qui pourrait lui permettre une victoire aussi frelatée que celle qu’il a obtenue en 2017.
Ce qui se profilerait alors pour 2022 serait une réédition de ce qui s’est passé en 2017, avec une réélection du candidat préfabriqué devenu Président, quand bien même il serait rejeté par la population autant qu’il l’est aujourd’hui.
J’ai parlé la semaine dernière de glissement vers un totalitarisme soft.
Je pense que l’expression est pertinente.
Ce qui est en place en France constitue désormais un tel dévoiement de la démocratie qu’il reste des apparences démocratiques, mais que ce sont seulement des apparences.
En parallèle, tout ce qui pourrait ressembler encore à un état de droit s’estompe.
Le rôle de la police est de maintenir l’ordre, pas de s’en prendre à des manifestants pour blesser et mutiler.
Des émeutes importantes ont eu lieu en France en 2005 (il y en a eu d’autres depuis) : il n’y a pas eu, quelle que soit l’émeute, le nombre de blessés et de mutilés qu’il y a eu en France ces dernières semaines.
L’utilisation de la police faite par Macron est scandaleuse.
D’autant plus scandaleuse que les bandes de banlieue qui cassent et pillent sont traitées avec plus de mansuétude que des retraités portant un gilet jaune.
Les déplacements et réunions de Macron impliquent de placer des villes en état de siège, comme si la France était en dictature.
Ce qui se passe est très grave, honteux, préoccupant. Ce doit être dit. C’est dit. Ce devrait être clamé plus largement avant qu’il soit trop tard. Est-il trop tard ?