La candidature à un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika ne fait pas que des heureux.
De nombreuses manifestations ont lieu dans toute l’Algérie pour protester contre la probable réélection d’un vieillard de plus de 81 ans, profondément handicapé par un accident vasculaire cérébral. Qu’il l’emporte ou non, la relève n’est pas prête et la stabilité du pays est loin d’être assurée.
Mohamed Sifaoui, journaliste franco-algérien, va même jusqu’à prédire que « 10 à 15 millions de personnes peuvent arriver en France, en cas de catastrophe ».
Mohamed Sifaoui, l’auteur de Où va l’Algérie ?, s’il fait parfois l’objet de polémiques, est un spécialiste reconnu du monde musulman et du terrorisme.
Il ne porte pas dans son cœur le président algérien et l’on ne peut écarter que ce cri d’alarme ait aussi pour objectif de nuire à la candidature d’un membre du FLN qui a fait carrière et tient en bride l’Algérie, avec l’aide de sa famille et de son clan. Il reste qu’il annonce une menace réelle, que nos dirigeants feraient bien de prendre publiquement en considération.
Il estime que les manifestations ne sont pas encore à leur paroxysme, parce que les Algériens les plus âgés ont gardé en mémoire la guerre civile des années 1990.
Mais la dernière génération ne l’a pas connue (la moitié de la population a moins de 20 ans) et ne se voit guère d’avenir dans son pays, s’il continue d’être dirigé par un homme sourd et grabataire, qui apparaît rarement en public. Il explique que plusieurs centaines de cadres et de diplômés cherchent déjà à fuir l’Algérie, via l’Espagne, pour rejoindre la France.
Mais, en cas de crise politique majeure, ce sont plusieurs millions d’Algériens qui pourraient débarquer en France, le plus légalement du monde.
Beaucoup d’entre eux ont, en effet, des liens de parenté avec des personnes nées en France ; les regroupements familiaux feraient le reste. Il appelle donc les pays européens, à commencer par la France, à soutenir les forces démocratiques en Algérie et non les partisans d’un gérontocrate qu’il qualifie de « dictateur ».
Officiellement, la situation en Algérie n’est pas la première préoccupation de Macron et de son gouvernement. Mais cette non-ingérence cacherait une profonde inquiétude.
Selon L’Obs du 24 février, « le cauchemar du président de la République, c’est l’Algérie […]. Les plus hautes autorités de l’État sont terrifiées par la perspective d’une grave déstabilisation de notre ancienne colonie après la mort de Bouteflika. » Pour des raisons multiples : importations de gaz, poids de l’immigration algérienne en France et de sa descendance, risque d’exode de centaines de milliers de jeunes vers la France, importance géopolitique dans la lutte contre l’islamisme…
Mais mettre cette question au premier plan de l’actualité, ce serait faire la part trop belle aux partis qui dénoncent depuis longtemps l’absence de maîtrise de l’immigration, comme le Rassemblement national ou Debout la France et, dans une moindre mesure, les Républicains de Laurent Wauquiez.
À quelques mois des élections européennes, ce serait malvenu. Il n’y a pas de stratégie sur l’après-Bouteflika : on redoute sa disparition de peur du chaos mais, par manque d’anticipation, en pratiquant l’immobilisme, on risque de l’aggraver.
Il est grave, pour un gouvernement quel qu’il soit, de ne penser à l’avenir que lorsqu’il est trop tard.