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 Le Front populaire à Fontenay.

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2 participants
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Loïc




Messages : 6318
Date d'inscription : 11/07/2010
Localisation : Fontenay-sous-Bois

Le Front populaire à Fontenay.  Empty
MessageSujet: Le Front populaire à Fontenay.    Le Front populaire à Fontenay.  EmptyLun 31 Déc 2012, 17:31

Une petite étude que j'ai réalisé en 2006 à l'occasion des 70 ans du Front populaire à Fontenay en partant des archives municipales.



1936 à Fontenay-sous-Bois.

Une ville moyenne sans histoire ?

Une idée assez répandue dans les esprits laisserait penser qu’à Fontenay il ne s’est presque rien passé en 1936. La ville n’est en effet pas un des grands bastions de la banlieue rouge qui concentrent des milliers d’ouvriers dans de grands établissements comme Argenteuil, Montreuil ou Ivry. C’est une cité moyenne qui vient néanmoins de dépasser les 30 000 habitants mais n’a qu’une trentaine d’entreprises de fabrication n’employant guère que 1500 ouvriers.

La plus grande entreprise est l’usine Gaveau, située rue Castel, qui fabrique des pianos mondialement réputés et des meubles en bois pour les postes de TSF avec plus de 350 ouvriers. Puis vient l’établissement pharmaceutique Hoffman et Laroche rue Pasteur. Mais c’est un établissement de taille somme toute modeste avec moins de 200 salariés. Il faut signaler aussi les ateliers d’entretien du métro qui sont installés à Fontenay rue Jean-Jacques Rousseau depuis 1934, date d’arrivée de la ligne n° 1 au château de Vincennes. Vient ensuite l’usine de cataplasme du docteur Rigollot dont le nom est resté au carrefour et les établissements Pugniet qui produit des articles métalliques et des armatures de parapluies avenue de Montreuil. Les autres ouvriers se regroupent dans des entreprises de petite taille. On compte quatre fonderies dont celle de la rue Dalayrac, l’entreprise Milon, n’emploie pas plus de 50 personnes. L’industrie du métal se développe dans une quinzaine de maisons se partagent en tout moins de 600 ouvriers. Six entreprises spécialisées dans le travail du bois ont aussi la taille d’ateliers plus que d’usines. Un nombre important d’entreprises avec quelques employés sont dispersées au milieu des habitations.

La majorité des habitants de Fontenay sont des cultivateurs, maraîchers qui vont travailler dans la plaine de l’autre côté de la butte ainsi que des employés, des fonctionnaires, de petits commerçants et des maçons. Politiquement, la ville est, au niveau municipal, ancrée dans une traditions radicale-socialiste. Le maire élu en 1935 est Jules Grévin (1873-1962), ancien directeur d’école à la tête d’une liste de “Concertation républicaine, démocratique et sociale”. Il est aussi conseiller général de la Seine. Les autres élus sont des Radicaux, des Républicains ou des indépendants plutôt situés au centre. Au niveau des élections législatives, les communistes arrivent en tête de la gauche depuis les élections de 1924.


Les revendications de 1936.

1936 a cependant été riche d’événements dans la ville. Les archives permettent de se faire une idée assez précise d’une vie politique active. Des revendications s’expriment fortement. Le 14 février, les directeurs et directrices d’écoles pétitionnent auprès du maire pour l’amélioration de leur “situation matérielle”. Ils demandent la “fourniture gratuite de gaz et d’électricité” dans leurs logements de fonction.

Un comité de chômeurs existe et est très actif au début de l’année. Il fait pression sur les élus afin d’obtenir des aides. Il obtient même le vote d’un “crédit additionnel de 5 000 francs pour des secours en nature” au conseil municipal du 11 mars. Ces secours sont affectés par le bureau de bienfaisance municipal qui durant l’hiver distribue plus de 250 bons de charbon par mois. Les familles de chômeurs vont échanger ces bons contre des sacs de boulets de charbon à l’entrepot de l’entreprise Delors, 11 rue du Parc, aujourd’hui rue du Commandant Duhail. A la même époque le Comité des femmes contre la guerre et le fascisme vient en aide aux enfants des chômeurs en organisant une collecte de vêtements qui peuvent être déposés dans quatre cafés : chez Colombo à l’angle du boulevard de Verdun et de l’avenue de la République, chez Pellereau avenue de Montreuil, “Aux bon vivants” avenue Victor Hugo et “au bon coin” en face de la mairie.

D’autre part il faut mentionner qu’il existe aussi des organisations ouvrières plus anciennes sur la commune. On peut citer l’Union fontenaysienne, cette coopérative ouvrière fondée en 1909. Son siège se situait près du carrefour des Rigollots au 5 avenue de la République. De tendance socialiste lors de sa création, elle se rapproche des communistes après 1920. Au milieu des années 1930 ses membres sont actifs. Son but est à caractère social, il s’agit d’assurer la solidarité entre ses membres mais c’est aussi une institution d’éducation populaire avec des activités culturelles et de convivialité comme l’illustre cette photographie. Sur l'unique photographie qui nous est parvenue de cette association à cette époque, on remarque que les participants à la fête sont déguisés, que certains hommes arborent fièrement un couteau entre les dents réponse ironique à la propagande antibolchevique. L’ambiance semble gaie et politiquement combative.

Dans un autre domaine, mais toujours en lien avec l’éducation populaire, il faut rappeler l’existence de l’Usof, l’Union sportive ouvrière fontenaysienne fondée en 1934 par les militants communistes férus de sport Émile Verdeille, Bruno Milanesi et Pierre Yvonnet. Il s’agit d’un club de football. Cette association populaire est affiliée à la FSGT et est en concurrence avec l’Athlétic Club de Fontenay, équipe plus ancienne, membre de la Fédération Française de Football et à caractère plus officiel aux yeux de la municipalité. C’est cette dernière qui peut s’entraîner sur le terrain municipal du fort de Nogent alors que les membres de l’Usof doivent aller ailleurs.

L’Usof et l’Union coopérative Fontenaysienne sont le type d’organisations dont les militants plongent véritablement dans le Front populaire au même titre que les jeunes gens de la cité qui fréquentent déjà le mouvement des auberges de jeunesse. Ces militants jeunes ou moins jeunes, s’investissent on s’en doute dans la campagne électorale de 1936. Il existe effectivement, dans la ville, chez un certain nombre d’habitants des revendications qui créent un véritable climat revendicatif dans lequel se déroulent les élections législatives.

Il y a 21 candidats dans la 2ème circonscription de l’arrondissement de Sceaux (Fontenay, Vincennes et Saint-Mandé). Le député sortant de droite, Gustave Doussain (1872-1945) est un personnage important, ancien industriel, il est élu depuis 1928 et a même été quelques jours Sous-secrétaire d’Etat à l’Education nationale, chargé de l’Enseignement technique dans l’éphémère gouvernement Daladier 2 du 30 janvier 1934 au 4 février 1934. Il est qualifié en février 1936 dans un article du journal communiste La voix de l’Est d’émule “du fasciste Laval”. Lors du premier tour, le 26 avril, il obtient 2 269 voix soit 33,7 % à Fontenay. Il est talonné par le candidat communiste Pierre Lagarde, petit commerçant de Vincennes, ancien combattant qui réalise le score 2 244 voix soit 33,4 %. Le candidat radical-socialiste André Narodetzki, docteur en pharmacie obtient 1 122 voix soit 16,7 % et se place en troisième position. Le candidat socialiste SFIO, le vincennois Louis Huguenet arrive en quatrième position mais très loins derrière avec 6,1 % et 411 voix. Gustave Doussain est réélu au second tour, seul député de droite de l’actuel Val-de-Marne, car il obtient une large majorité à Vincennes et surtout à Saint Mandé. Mais Pierre Lagarde obtient 3 598 voix soit plus de 53,5 % à Fontenay même si toutes les voix du candidat radical-socialiste ne se sont pas reportées sur lui. Le taux de participation est très élevé plus de 89 % des 7713 inscrits se sont déplacés pour accomplir leur devoir civique dans l’un des quatre bureaux de vote que compte la commune.


On peut constater qu’à cette époque déjà, la géographie politique de la ville est contrastée le quartier du bois votant majoritairement à droite alors que la Plaine fait figure de bastion rouge. C’est en effet dans cette partie de la ville, avenue Victor Hugo, rue La Fontaine, que se concentrent bon nombre des militants.


Une ville moyenne dans l’Histoire.

Le mouvement de grèves touche aussi la Fontenay. Presque toutes les entreprises sont touchées entre fin mai et début juin. Dans certaines la grève ne dure que 3 jours, mais dans d’autres, la rigidité des patrons fait durer le mouvement. Les ouvriers des chantiers de construction et de travaux publics n’ont été en grève que durant trois jours avant d’obtenir satisfaction. Il s’agit des chantiers de la gare, ceux de l’avenue Esnest Renan et de la route 42 aujourd’hui avenue Joffre. Dans la manufacture des Parapluies Pugniet, dont les patrons sont parisiens, le conflit se cristallise autour des salaires des femmes qui sont nombreuses parmi les employés. L’occupation dure une dizaine de jours.

L’usine Gaveau est occupée durant dix jours ainsi que la fabrique de meubles Labara. Les maisons Flambo, Chabreri, l’atelier Marlier qui affûte les lames de scies, la fabrique de lits Bernard et l’ébénisterie Fruco sont aussi touchées pendant plus de 8 jours.


Au départ, les grévistes n’ont pas vraiment été aidés par la municipalité qui voulait se tenir à l’écart des luttes sociales. Mais les demandes répétées et la pression du comité de propagande et d’action syndicale obligent les élus à dégager quelques moyens pour les grévistes. Lors de la séance conseil municipal du 5 juin, alors que le mouvement gréviste est en plein développement, le maire fait “accepter à l’unanimité la proposition de la Municipalité de ravitailler les ouvriers en grève dans les usines de Fontenay”. Il s’agit d’un ravitaillement en nature qui permet aux ouvriers de poursuivre le mouvement dans des conditions plus favorables. On est loin de l’engagement total des “municipalités ouvrières” au côté des grévistes, mais c’est un geste qui est apprécié tout de même. Rappelons que la famille politique du maire radical-socialiste participe au Front populaire. Ce n’est pas le cas de toutes les sensibilités de ceux qui composent le conseil municipal en particulier des personnalités “indépendantes”. Mais c’est le comité local de propagande et d’action syndicale dirigé par le communiste Fernand Nonza, résidant rue des Carreaux (aujourd’hui rue André Laurent), qui prend en charge l’organisation de la solidarité et l’aspect matériel du ravitaillement. Près de 4 000 repas sont distribués aux grévistes en 13 jours. Une collecte organisée par les femmes des grévistes auprès des habitants et en particulier des petits commerçants permet de payer le café aux grévistes. Ceux-ci obtiennent finalement satisfaction quand aux augmentations de salaire, aux droits syndicaux et aux conditions de travail. La signature d’accords de fin de grève intervient le 15 juin. Il est marquée par un défilé des ouvriers de Gaveau rejoints par ceux de l’ébénisterie Antoine et d’autres ateliers. Avec drapeaux rouge et tricolore en tête, au son de l’Internationale, les ouvriers défilent le poing levé. On retrouve à ce moment précis l’ambiance de fête qui a traversé tout le pays ! Comme partout ensuite, les ouvriers sont vigilants jusqu’à la fin de l’année et ne lâchent pas leurs revendications. Ils se battent pour le strict respect des lois sociales et accords qui ont été conclus.


La vie politique est intense dans la cité avec l’ensemble des organisations partie prenantes du Front populaire. Les plus actives sont celles animées par les militants communistes qui par ce biais là étendent leur influence et recrutent de au fil du temps, quand les circonstance sont favorables comme en 1936, de nouveaux adhérents. L’été voit par exemple se développer les actions de la section locale du secours rouge de France animée par Georges Le Tiec et celles du comité des femmes contre la guerre et le fascisme.


Dans une dynamique d’union, le 26 juin, un comité d’aide aux chômeurs se constitue. Ce n’est plus le simple comité de chômeurs animé depuis des mois par les communistes, il s’agit d’une association bien plus large qui l’englobe. Ce nouveau comité dont l’assemblée générale se tient à l’annexe de la mairie, 5 rue Notre Dame est présidé par monsieur Hervault qui dirige aussi l’Union des commerçants, entrepreneurs et industriels. L’abbé Aubois est vice-président. Son bureau regroupe aussi bien des syndicalistes comme Fernand Nonza, des catholiques comme monsieur Durand directeur des œuvres sociales de la paroisse Sainte Marguerite que des communistes comme la trésorière l’institutrice madame Trioreau ou André Bourdon rédacteur à la Voix de l’Est. On compte aussi au bureau des membres de la municipalité : monsieur Lefebvre maire-adjoint et monsieur Condelier conseiller municipal. Cinq chômeurs font partie du bureau messieurs Barreau, Diot, Guyonnet et Quiédeville ainsi que madame Sémenon. Le comité qui se définit comme une organisation de solidarité active a pour but d’aider les “chômeurs malheureux et leurs enfants”. Dans une période où la sécurité sociale n’existe pas encore, le comité concentre son action en particulier vers ceux qui peuvent être malades ou accidentés. Les membres du comité s’acquittent de cotisations mensuelles de 1 à plus de 25 francs selon que l’on est membre actif, honoraire ou bienfaiteur. Une semaine de solidarité avec les chômeurs est organisée du 12 au 19 juillet.


Internationalement aussi des fontenaysiens participent aux grands événements populaires. Alors qu’en 1931, l’organisation des jeux olympiques d’été a été confiée à Berlin qui devance Barcelone, cinq ans après, la situation a bien changé. C’est l’Allemagne nazie d’Hitler qui doit accueillir les jeux du 1er au 16 août avec ses près de 4 000 athlètes venus de 49 nations pour concourir dans 19 disciplines. Pour s’y opposer plusieurs pays avaient parlé de boycotter les J.O. racistes de Berlin et d’organiser des contre-jeux à Barcelone. Les Olympiades populaires sont donc mises en place avec 6 000 athlètes de 22 pays du 19 au 26 juillet. Le 4 juillet 1936, les épreuves officielles qualificatives pour Barcelone se déroulent au stade Pershing à Paris. Léo Lagrange - secrétaire d'Etat aux sports et aux loisirs - préside ces journées. A travers leur club, la FSGT, ou individuellement, 1200 athlètes français s'inscrivent à ces Olympiades antifascistes. Parmi eux une délégation de l’Union Sportive Ouvrière de Fontenay se rend en Espagne afin de participer à cette fête du sport antifasciste. Mais ces olympiades ne peuvent se tenir du fait du déclenchement de l’insurrection fasciste menée par les généraux Mola et Franco le 17 juillet. De nombreux sportifs internationaux s’engagent alors pour défendre la République espagnole. Parmi eux le footballeur fontenaysien d’origine italienne Bruno Milanesi. Il participe aux premiers combats qui permettent aux milices ouvrières de repousser les fascistes. Il est d’ailleurs blessé, assez légèrement. Très vite, les nouvelles d’Espagne se répandent à Fontenay et comme partout ailleurs elles sèment l’effroi et font prendre encore plus conscience du danger.


La solidarité avec la république espagnole.

C’est dans ce contexte que se réunit l’assemblée générale du comité local de rassemblement populaire le 23 juillet dénonce d’abord avec force “les crimes du fascisme espagnol” qui entend écraser la République et affirme sa solidarité avec les travailleurs ibériques . Il vote ensuite des motions demandant au gouvernement de faire en sorte que la loi du 20 juin sur la dissolution des ligues factieuses. La République française doit se prémunir plus encore contre le danger fasciste qui la guette aussi en épurant “l’armée, les cadres de la police et de la haute administration” qui pourraient être tentés par l’exemple espagnol. Elle demande aussi l’exécution des chefs factieux espagnols dont José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la phalange, qui dirige le mouvement depuis sa prison d’Alicante (son exécution a effectivement lieu le 20 novembre 1936).

Le 30 juillet, l’assemblé générale du comité de propagande et d’action syndicales de Fontenay se tient à la salle Rouquette, 216 rue des Moulins, sous la présidence d’André Tollet, secrétaire de la CGT de la Seine. Elle rassemble 400 personnes. L’assemblée des syndiqués est placée “sous la présidence d’honneur de leurs camarades espagnols luttant les armes à la main, pour la défense des libertés démocratiques et du front populaire”. Une collecte de 166 francs est réalisée pour la solidarité avec les travailleurs espagnols en lutte. Elle demande aussi l’application des lois sociales de juin : congés payés, conventions collectives et semaine de 40 heures.

Le 14 août le comité de rassemblement populaire de Fontenay organise à la salle Rouquette un meeting unitaire qui rassemble 500 personnes au cours duquel différents intervenants issus de toutes les organisations (PCF, SFIO, Radicaux, ARAC, Secours rouge, comité Amsterdam-Pleyel) dénoncent le danger fasciste en France et proclament leur solidarité indéfectible avec la République espagnole pour laquelle 330 francs sont collectés. Durant tout l’été, les organisations de gauche collectent de l’argent pour l’espagne. Dès la fin de l’été, le PCF et ses organisations dénonce à Fontenay comme ailleurs l’accord de non intervention signé le 28 août entre les gouvernements français et britannique. Dès le 18 septembre, la IIIe internationale lance le recrutement de combattants parmi les ouvriers. Les premiers volontaires passent la frontière franco-espagnole clandestinement dès le mois d'octobre 1936. Après un entraînement rudimentaire à Albacete, où le Français André Marty est inspecteur des Brigades, les premières unités s'étaient engagées pour défendre Madrid assiégée le 8 novembre, à la Casa del Campo. Ces volontaires étaient alors amalgamés aux défenseurs espagnols dans la proportion d'un homme pour quatre, dans le but de les soutenir moralement et de pouvoir transmettre leur expérience du service militaire aux civils. Dès le 12 novembre à Fontenay, les communistes des bureaux de cellules, réunis en assemblée générale “adressent le témoignage de leur profonde admirations aux camarades de la colonne internationale pour la vaillance intrépide et l’héroïsme” de leur engagement pour la défense de Madrid. Plusieurs communistes de la ville songent dès cet instant à s’engager comme l’a fait Bruno Milanesi au premier jour de l’insurrection. En 1937, Georges Le Tiec veut s’engager dans les Brigades internationales. Il a une expérience militaire puisqu’il est sous les drapeaux pour son service. C’est son ami et camarade Édouard Maury qui le convainc de ne pas partir en Espagne ce qui le ferait devenir un “déserteur” pour les autorités françaises... Fernand Nonza, plus âgé et dégagé de ses obligations militaires part en Espagne à la veille de ses 49 ans. Mais il est blessé lors d’un accident de voiture en se rendant en Espagne et doit être rapatrié. Le couple Matterraz, Georges et Aimée est très actif dans la solidarité avec l’Espagne républicaine. En 1937 Aimée participe à la collecte nationale pour acheter du lait aux enfants d’Espagne. En 1938, ils recueillent chez eux un enfant espagnol réfugié prénommé Raimundo. Après guerre c’est encore chez eux, au 60 rue Gambetta, que se réunit des militants du Parti Communiste Espagnol clandestin. Enfin la ville de Fontenay a accueille plusieurs familles réfugiées espagnoles ou des personnes ayant participé aux Brigades.


Des tensions qui persistent.

Il ne faudrait cependant pas croire que le Front populaire fut un long fleuve tranquille à Fontenay comme ailleurs. Des tensions sociales et politiques y subsistent durant toutes la période. Ainsi au mois début juillet 1936 un cantonnier, père de quatre enfants est renvoyé de son emploi municipal par le responsable du personnel monsieur Poindron. Cette décision suscite une campagne de solidarité pour le faire réintégrer. Au mois de juillet, des tensions se font jour autour de l’usine Gaveau où les communistes dénoncent les agissements de fascistes “qui tentent de diviser les ouvriers” dont la lutte a pourtant été exemplaire le mois précédent. L’inflation, comme partout ternit ce tableau de 1936 en rognant le pouvoir d’achat. Au mois d’octobre, une réunion est organisée entre un groupe de ménagères et les petits commerçants pour lutter contre la vie chère malgré l’incompréhension de monsieur Hervault de l’Union des commerçants, entrepreneurs et industriels. Il s’agit de s’entendre et de limiter les conséquences de la hausse des prix.

On assiste aussi à des conflits plus politiques à l’automne. Les vendeurs de journaux en viennent parfois aux mains entre ceux de la “presse dissoute” (journaux d’extrême droite) et ceux qui diffusent les journaux favorables au Front populaire : L‘Humanité et Le Populaire. Les agents de police sont alors accusés d’ennuyer les vendeurs de la presse populaire et d’être très complaisants avec les “agitateurs factieux”. Le commissaire de Vincennes est interpellé par le correspondant de La voix de l’Est qui lui lance à la fin d’un article: “Attention monsieur Fouquet, celà se voit trop !”. De même début novembre, on apprend que le jeune Martel, ouvrier à Fontenay, a été condamnée à 60 jours de prison dont 15 à l’isolement, pour avoir chanté, avec d’autres, l’internationale dans le train qui l’emmenait à Strasbourg faire une période de 21 jours dans son régiment. Ce chant a visiblement gêné des officiers qui s’en sont plaint à la gare de Nancy. Des motions sont envoyées par le Secours rouge à Léon Blum président du conseil et Édouard Daladier ministre de la guerre en leur rappelant qu’ils ont défilé le 14 juillet 1935 au son de “ce grand hymne ouvrier” et de la Marseillaise. A la même période, des enfants de 8 à 10 ans qui avaient entonné ce chant au passage des gardes mobiles près du fort de Nogent sont poursuivis à travers champs jusqu’à la ligne de chemin de fer, frappés pour certains et menacés des pires sanctions s’ils recommencent. Cet épisode montre bien que des tensions politiques sont encore palpables en cette fin d’année 1936.

D’autre part, les ouvriers qui ont obtenu en juin un certain nombre de succès ne veulent pas en rester là et continuent à revendiquer l’application des accord nationaux qui n’arrive pas assez vite à leurs yeux. Ainsi au mois de juillet, le syndicat du personnel communal dépose sur le bureau du maire un cahier de revendications. Celui-ci contient des demandes d’augmentation de salaires et d’améliorations des conditions de travail. Le conseil municipal du 31 juillet 1936 renvoie son examen “aux commissions compétentes”. Les demandes doivent être examinées par les commissions du personnel et des finances. Le conseil décide cependant d’allouer à tous les employés, titulaires et auxiliaires, à compter du 1er juillet, une avance à retenir sur les augmentations à venir. Pour les plus bas salaires il s’agit de 10 % et de 5 % pour les plus élevés. Cette décision ne contente pas les représentants syndicaux. Les augmentations sont en effet inférieures à celles négociées lors des accord Matignon en juin qui s’élevaient de 7 à 15 %. Ce n’est que lors du conseil du 16 octobre suivant qu’est votée une allocation pour “certaines catégories du personnel communal dont les traitements et salaires sont jugés insuffisants”. Ces sommes sont à valoir “sur les augmentations futures”. On est encore loin d’une revalorisation générale des salaires. Cette lenteur et ces procédures déclenchent la colère du syndicat des employés communaux qui proteste par écrit auprès du maire. En effet, les augmentations promises lors du conseil du 31 juillet n’ont pas été appliquées. Dans la seconde quinzaine d’octobre 1936 les membres du syndicat en appellent à la population par voie d’affiche pour faire pression sur les élus. Lors du conseil municipal du 31 octobre, les conseillers les plus à gauche s’émeuvent de la situation. Une discussion animée s’ensuit. Certains rejettent la responsabilité de ces retards sur “l’administration supérieure” qui a pour charge de faire appliquer les accord. Il est décidé que la municipalité fasse le point pour “éclairer les contribuables” sur la situation. Ce n’est que lors du conseil municipal du 24 avril avril 1937 que les salaires employés communaux sont enfin revalorisés à compter du 1er janvier 1937 seulement (et non à partir du 1er juillet 1936 !).


Des avancées sociales.

Malgré les tensions et les lenteurs administratives, la période du Front populaire est tout de même synonyme de progrès social pour les habitants de Fontenay. Le climat général permet un certain nombre de changements. Outre les augmentations salariales, les conditions de travail changent. Ainsi, c’est durant l’année 1937 que la semaine de 40 heures est appliquée. Cette réduction du temps de travail amène à des adaptations. Ainsi, ces dispositions mettent parfois un peu de temps à se mettre en place. Ce n’est qu’à la fin de l’année que le service municipal de la voirie met réellement en place ce nouvel horaires à la grande satisfaction des employés.

C’est aussi en 1937 que pour la première fois de sa jeune histoire l’Union sportive ouvrière de Fontenay obtient une subvention municipale. Celle-ci est de 1 000 francs au même titre que celle que reçoit depuis des années l’autre équipe de football, l’Athlétic club. Il y a dans cette nouvelle subvention une forme de reconnaissance très symbolique pour cette association populaire qu’est l’USOF. Elle est devenue à part entière un club de la ville.

C’est en 1936 aussi que la municipalité réfléchit à la mise en place des premières colonies de vacances destinées à changer d’air les enfants pauvres de la ville. Un rapport est présenté par monsieur Roger à cet effet à ses collègues du conseil municipal du 10 juillet. L’exposé des motifs est tout à fait intéressant, son ton restitue parfaitement bien l’ambiance de l’époque :

“De toutes les infortunes, celles qui frappent l’enfance doivent d’abord retenir l’attention et tous les efforts tendre à en limiter les effets.
Or à ce moment de l’année, où beaucoup parlent de s’évader des villes, pour quelques semaines, à la recherche d’un peu d’air pur et de vastes horizons, comment ne pas songer aux pauvres gosses à qui des parents trop pauvres ne peuvent assurer le départ. Et pourtant ce sont ceux-là qui en ont le plus grand besoin, leur organisme mal défendu par des conditions d’existence trop modestes et souvent insuffisantes aurait à récupérer plus que tout autre. C’est pour combattre cette misère que fut créée puis développée l’oeuvre admirable des Colonies de vacances. Or à Fontenay, les Administrateurs de la Cité, sollicités par une tâche complexe et très grande, n’ont pu jusqu’à présent et faute de ressources, participer à cette œuvre de façon suffisante mais je crois que cette situation ne saurait se prolonger : un effort doit être accompli pour combler une lacune regrettable et notre assemblée se doit, si c’est utile, de créer les ressources nécessaires. Il faut défendre l’enfance malheureuse ou simplement pauvre, c’est un devoir d’humanité auquel aucun homme de coeur ne saurait se soustraire, car si l’on peut (et souvent bien à tort d’ailleurs) rendre un homme responsable de sa destinée, on ne peut que plaindre le tout petit et la plainte serait blâmable si elle ne comportait pas le secours. Nous ne pouvons réaliser immédiatement et pour cette année l’entreprise, le temps nous fait défaut, mais ne rien faire du tout serait insuffisant ! Parmi les gosses pauvres, il en est qui sont particulièrement dépourvus, ce sont les enfants de chômeurs et c’est vers eux que je vous demande de porter vos premiers regards, c’est par eux que je vous demande de commencer votre œuvre.”

Le but est de trouver d’urgence des fonds pour que la caisse des écoles puisse faire partir dès l’été les enfants les plus pauvres en vacances. On voit combien les pressions répétées du comité de chômeurs ont finalement pesé d’un certain poids sur les élus municipaux, poussés aussi par l’ambiance générale du moment. Une commission comprenant neuf élus est créée afin d’étudier le projet de faire des colonies de vacances municipales pérennes, ouvertes à tous les écoliers de Fontenay pour 1937. Elle se réunit à partir du 15 octobre 1936 et rend ses conclusions au début de 1937. Au cours de l’été suivant, ce projet est devenu réalité. Les vie des enfants de Fontenay change effectivement. Et même durant l’occupation, des jeunes des deux sexes profitent de divers séjours d’été à la campagne, les garçons à Montlhéry (Seine-et-Oise) et les filles à Rozoy par Sens (Yonnne).


Le Front populaire a donc une histoire à Fontenay aussi. Ce fut une période d’intense activité politique et sociale, de luttes populaires, de dignité et d’espoirs. Il y a laissé des traces dans la vie quotidienne des habitants en particulier des plus modestes. Même si la plupart de ses effets en terme de progrès social ont été rapidement repoussés par la pause, l’arrivée de la guerre et l’occupation. Il convenait de faire resurgir ces épisodes longtemps ignorés même dans la mémoire collective.
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Messages : 14980
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Le Front populaire à Fontenay.  Empty
MessageSujet: Re: Le Front populaire à Fontenay.    Le Front populaire à Fontenay.  EmptyLun 31 Déc 2012, 18:23

Merci pour cette étude très intéressante sur un moment fort du mouvement ouvrier...

Je pense que personne ne conteste le rôle émancipateur du Parti Communiste à cette époque que ce soit à Fontenay mais aussi dans toutes les autres communes ouvrières de France...

Ce que beaucoup déplorent, c'est juste qu'après le départ de Georges Marchais le PC n'ait pas su appréhender les changements importants de notre société survenus au fil du temps...

Aujourd'hui, les revendications du Parti Communiste sont hélas bien souvent très éloignées des préoccupations réelles des classes populaires ce qui n'était pas le cas en 36...
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