L’auteur de Lettre d’exil. La barbarie et nous (Éditions du Cerf, 2017) voit dans la décision de Gérard Collomb de faire venir cent imams d’Algérie pour diriger les prières du ramadan une trahison de la laïcité.
L’ancienne secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, de 2010 à 2012, est membre du Conseil d’État.
Le Figaro : Lors d’une rencontre avec son homologue Gérard Collomb, le ministre des Cultes algérien, Mohamed Aïssa, a annoncé l’envoi de cent imams algériens en France pour participer au ramadan. Quelle est votre réaction ?
Jeannette Bougrab : Les bras m’en sont tombés. Comment, dans un État laïque, le ministre de l’Intérieur, certes ministre des Cultes, se préoccupe de faire venir des imams d’Algérie pour le ramadan ? On nous casse les oreilles avec la création d’un islam de France, et on fait venir des imams d’Algérie !
L’Algérie n’était pas islamiste. La radicalisation est venue par des prédicateurs du Moyen-Orient, issus pour la plupart des Frères musulmans, mouvement fondé par le grand-père de Tariq Ramadan. Sans que les Algériens s’en rendent vraiment compte, cet islamisme s’est répandu. Organiser la venue d’imams étrangers en France est une hérésie.
Le Figaro : Une telle initiative n’est -elle pas encadrée ? Les imams ne sont-ils pas choisis ?
Jeannette Bougrab : C’est une plaisanterie pas drôle quand vous savez qu’en Algérie, notamment en Kabylie, des militants laïques se battent chaque année pour ne pas avoir à subir la loi des intégristes leur imposant le jeûne. Ils risquent la prison pour cela. Certains ont jugés et emprisonnés L’apostasie est interdite. On doit avoir le choix de pratiquer ou non une religion. De Tizi-Ouzou à Tunis, ils sont de plus en plus nombreux à se battre pour la séparation du spirituel et du temporel, à vouloir notre chère laïcité.
Nous, on fait venir des imams ! Le monde ne tourne décidément pas rond.
Dans ces quartiers en France gangrenés par l’échec scolaire, le chômage, la délinquance, la République française n’a rien de mieux à proposer à une jeunesse désabusée et désorientée que des imams. Où sont ces fameux hussards noirs de la III ème République ?
150 000 décrocheurs chaque année sortent de l’école sans aucun diplôme. Pensez-vous vraiment que l’imam va les ramener dans le droit chemin ? Imaginez un seul instant la réaction des médias si le ministre de l’Intérieur s’occupait de recruter des curés dans les campagnes où les offices ne peuvent plus être célébrés.
Le Figaro : N’y a-t-ilpas une « expertise algérienne » qui pourrait nous aider dans la lutte contre l’islamisme radical, comme le soutient le ministre de l’Intérieur ?
Jeannette Bougrab : L’idéalisation de l’Algérie doit s’arrêter car si la guerre civile est finie, la paix n’est pourtant pas revenue. Comme le rappelle Boualem Sansal, « l’islamisme radical est toujours là, enraciné dans la population, ancré dans les institutions, se renouvelant constamment, s’adaptant aux conditions récentes, se répandant de nouveau et tissant des liens profitables avec l’internationale islamiste ». La vie des Algériens est très dure. Beaucoup fuient leur pays.
Le Figaro : La réconciliation nationale est -elle un « mythe » ?
Jeannette Bougrab : Oui, on a imposé aux Algériens une concorde civile. Laissez-moi vous citer juste un extrait d’une lettre d’un père à sa fille assassinée alors qu’elle n’avait que 16 ans. Katia refusait de porter le voile. Un lundi, alors qu’elle revenait de l’école au bras d’une amie, elle a été abattue par un islamiste à bout portant. Pour honorer la mémoire de sa fille chérie et alors que la maman venait de mourir de chagrin, il écrit : « Ta perte cruelle, son chagrin, son désespoir, ses souffrances, ton deuxième assassinat à travers cette réconciliation nationale ont fait que ta mère et moi-même n’avons pas pu tenir le coup […]. J’accuse ceux qui ont relâché et pardonné à ces sanguinaires aux mains tachées de sang. J’accuse le pouvoir algérien pour ses sympathies avec les bourreaux de nos parents. J’accuse cette réconciliation pour la paix qui a glorifié et amnistié ces monstres assassins. » Tout est dit.
Le Figaro : Après l’assassinat de deux jeunes filles à Marseille, vous aviez dénoncé la persistance du déni. Après les attentats de Trèbes, est-ce toujours le cas ?
Jeannette Bougrab : La France est dépassée. Son angélisme est déroutant. Elle a eu tort de penser que la bataille de Raqqa gagnée, la bête était achevée.
Elle doit comprendre que le danger vient de l’intérieur du pays.
Les nouveaux intégristes sont nés ici ou vivent ici depuis des années. Le concept de Jean Birnbaum parlant de « djihad de souche » décrit bien cette situation inédite. C’est un terrorisme de proximité correspondant d’ailleurs au mot d’ordre de Daech, qui demande à ses affiliés de commettre des attentats là où ils vivent. Ces fous d’Allah considèrent la France et ses symboles comme les ennemis de l’islam. En criant « Allah akbar », ils tueront à l’aveugle. Les actes les plus anodins comme les courses dans un supermarché deviendront anxiogènes car leur but est bien de faire régner la terreur.
La persistance du déni s’est illustrée dernièrement par les réactions hostiles à la publication dans vos colonnes de l’appel de cent intellectuels dénonçant l’islamisme et le séparatisme, comme ces séminaires organisés par des syndicats interdits aux Blancs. Le porte-parole du gouvernement a jugé que cette tribune réunissant des personnes venues d’horizons différents stigmatiserait les musulmans. Mais les premières victimes de l’islamisme sont les musulmans eux-mêmes. En Algérie, la décennie noire où le GIA massacrait à tout-va, c’est plus de 200 000 Algériens assassinés, des femmes ont été kidnappées, violées et égorgées.
La France est-elle amnésique à ce point ?
Propos recueillis par Alexandre Devecchio pour le Figaro.
---------------------
la doctrine du "cul par dessus tête" devient la règle nationale française... pensez printemps !