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| Ces batailles européennes que préfigure l’affrontement franco-italien | |
| | Auteur | Message |
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tonton christobal
Messages : 19037 Date d'inscription : 06/07/2010
| Sujet: Ces batailles européennes que préfigure l’affrontement franco-italien Dim 10 Fév 2019, 08:10 | |
| Ces batailles européennes que préfigure l’affrontement franco-italien
Le débat européen semble désormais se résumer à une opposition entre deux lignes : celle d'Emmanuel Macron à Angela Merkel d'une part, et celle incarnée par Viktor Orban et Matteo Salvini d'autre part. Cette tension pourrait conduire à des batailles politiques de plus en plus fortes.
Avec Yves Bertoncini, Paul-François Paoli
Atlantico : Depuis plusieurs mois, avec une accélération ces derniers jours notamment au travers du rappel de l'ambassadeur de France à Rome, le débat européen s'est résumé à une opposition entre deux lignes - minoritaires - , d'Emmanuel Macron à Angela Merkel d'une part, à une ligne incarnée par Viktor Orban et Matteo Salvini d'autre part. Quels sont les risques de voir ce débat européen se résumer à une telle opposition, dont chaque partie semble chercher à se confronter à "l'ennemi" pour se renforcer ?
Yves Bertoncini : L’opposition entre les dirigeants qui veulent renforcer l’Union européenne et ceux qui la combattent traduit des divergences réelles, et même essentielles dans le contexte géopolitique actuel : l’union fait-elle la force et sert-elle l’intérêt de ses peuples ou, au contraire, étouffe-t-elle et maltraite-elle ses citoyens et ses nations? Telle est l’une des grandes questions à trancher, notamment lors des élections européennes de mai prochain, afin de déterminer ce que seront l’évolution de la construction européenne et, plus largement, notre destin collectif dans un monde dont nous ne sommes plus le centre et où nous donnons parfois l’impression de ne plus maitriser grand chose. L’opposition de principe entre pro et anti-UE est cependant très réductrice : elle doit être enrichie et dépassée par d’autres clivages. Il y a plusieurs nuances d’« europhilie », d’euroscepticisme et d’europhobie, mais aussi et surtout des visions diverses des politiques que doit conduire l’UE en matière économique, sociale, environnementale, sanitaire, énergétique, migratoire, diplomatique, militaire, etc. Il est capital pour la clarté du débat démocratique et la légitimité des décisions de l’UE que les forces politiques et partisanes qui incarnent les différentes options et sensibilités en présence puissent être audibles auprès des Européens, et que nous puissions mettre des visages sur tous les clivages qui structurent la vie politique de l’UE – bien au-delà du face-à-face parfois théâtral entre Emmanuel Macron et Matteo Salvini.
Paul François Paoli : Pour être "minoritaires" ces lignes ont au moins le mérite d'être tranchées dans un domaine où il est si difficile de se faire une idée précise de ce qu'il faut penser. On nous a habitué par exemple à dualiser le débat sur l'Europe entre les pour et les contre mais on voit bien avec l'affaire de la fusion Alsthom-Siemens que ce n'est pas si simple. Les partisans de l'Europe sont eux même divisés sur l'Europe qu'ils souhaitent voir advenir. Et l'on voit aussi que du côté de Marine Le Pen le Frexit et le sortie de l'Euro ne sont plus des priorités. Autrement dit la division et la contradiction ne semblent épargner personne. A part Asselineau dont le programme est somme tout simple, il suffit du Frexit pour que tout s'arrange, il est impossible de se faire une idée précise de ce que veulent les partis politiques. L'Europe est dans une situation indécise.
Personnellement et même si je me suis abstenu à l'époque du référendum j'ai tendance à penser que la Traité de Maastricht a constitué une erreur historique. Chevènement, Villiers et Séguin avaient sans doute vu juste. En affaiblissant les Etats nation l'Europe de Bruxelles a créé le populisme qui est le fruit d'un sentiment d'insécurité. Européisme et populisme forment une sorte de couple pervers.
En quoi cette situation européenne actuelle, faite de tensions de plus en plus fortes, alors même qu'aucune partie ne songe réellement à s'extraire de l'Union, pourrait nous conduire à des affrontements de plus en plus marqués pour parvenir à prendre le contrôle dans les années à venir ?
Yves Bertoncini : Les tensions actuelles sont les manifestations typiques d’une crise de « co-propriétaires », car nul autre pays que le RU ne songe à quitter l’UE. Le « Brexit » répondait pour une bonne part à des spécificités britanniques, et les incertitudes et dommages collatéraux qu’il génère font office de repoussoir : jamais la volonté de continuer à appartenir à l’UE ou à la zone euro n’a été aussi forte dans la quasi-totalité de ses Etats-membres. Pour autant, les 27 sont souvent très divisés sur la manière de gouverner leur maison commune : on l’a vu lors de la crise financière, puis de la crise des réfugiés- deux crises nourries par un déficit de confiance, puis de solidarité entre Etats et même entre peuples, et qui ont déjà donné lieu à des affrontements particulièrement vifs. Ce type d’affrontements pourrait se poursuivre face aux défis migratoires, sur le respect de l’Etat de droit, sur la négociation du budget européen, sur la réforme de la zone euro ou de la politique de concurrence, sur les enjeux sécuritaires – ce ne sont pas les terrains qui manquent, surtout si les dirigeants nationaux trouvent un intérêt domestique à amplifier leurs différends européens Chacun devra sans doute constater bien vite qu’il faut in fine conclure les compromis nécessaire pour faire fonctionner une communauté politique rassemblant 27 pays « unis dans la diversité », y compris politique et partisane. Ce sont les forces plutôt pro-européennes qui sont sans doute appelées à conserver le contrôle de l’essentiel des gouvernements nationaux et des institutions européennes, conformément aux choix exprimés par les électeurs. Mais il n’est pas exclu que des forces politiques plus radicales et hétérodoxes puissent obtenir une forte capacité de nuisance, sinon de blocage, au niveau européen – ce qui serait problématique pour tous.
Paul François Paoli : Je pense que deux visions sont en lice et qu'elles sont inconciliables. La première est celle portée principalement par Merkel et Macron. Leur Europe est fondée sur des valeurs libérales et démocratiques post historiques. L'Europe n'est pas tant une civilisation qu'un espace d'échange. Face à eux les conservateurs et populistes opposent une Europe fondée sur des peuples et des territoires. La première conception est post politique car la politique suppose l'Histoire en amont. Les libéraux croient que les valeurs peuvent constituer un peuple en l’occurrence le "peuple européen" de demain. C'est une illusion. Le vivre ensemble est fondé sur des réalités anthropologiques bien plus profondes. Les Italiens ne veulent pas d'une société multiculturelle, ce qui est leur droit. Pourquoi les valeurs multiculturelles et libérales feraient t'elles absolument autorité, pourquoi seraient elles indépassables alors que leurs tenants expliquent depuis toujours que toute autorité doit pouvoir être contestée?
Quelles seraient les forces politiques qui pourraient parvenir à former une majorité sans pour autant s'appuyer sur le rejet des autres forces en présence ? Quel pourrait être le contenu d'une telle ligne politique ?
Yves Bertoncini : La majorité qui dirigera l’Union européenne au cours des prochaines années restera probablement composée des conservateurs du PPE (qui conduisent aujourd’hui les gouvernements de 7 pays de l’UE, dont l’Allemagne) et des sociaux-démocrates (chefs de gouvernements dans 5 pays, dont l’Espagne), mais aussi des libéraux-démocrates (au pouvoir dans 8 pays de l’UE, dont la France), avec l’apport plus ponctuel des conservateurs eurosceptiques (au pouvoir en Pologne) et des Verts. Attendons le verdict des élections européennes de mai 2019 pour mieux mesurer la nature exacte des rapports de force qui détermineront à la fois l’inflexion du cap et le degré de gîte du paquebot européen. N’oublions pas aussi que, au-delà du socle majoritaire à dégager au moment de décider des grandes nominations (dont la présidence de la Commission) et d’adopter une forme de « contrat de législature », c’est en fonction des enjeux et des votes que se dessinent ensuite des majorités à géométrie variable, aussi bien au Parlement européen qu’au Conseil des ministres. Ce n’est pas en misant sur l’exploitation des tensions intra-européennes qu’on dégagera une ligne politique suffisamment rassembleuse, mais en regardant le monde et les défis que son évolution rapide et adverse suscite pour les Européens. Sur cette base-là, l’idée qu’il faut consolider l’Union européenne, rendre son fonctionnement plus transparent et renforcer les coopérations européennes rassemblera sans doute une large majorité de partis et de citoyens. C’est particulièrement vrai en matière de sécurité collective ou en matière climatique – et c’est vrai partout où la volonté de « reprendre le contrôle » conduit à s’unir pour agir à la source plutôt qu’à se diviser dans l’impuissance.
Paul François Paoli : Je crois qu'il faut d'abord réfléchir à ce que ce mot d'Europe recouvre pour proposer un projet politique.
Il n'y a pas de peuple européen mais des peuples très divers qui habitent l'Europe. Et il n'y a pas non plus d'Etat européen. L'Europe est d'abord une réalité d'ordre géographique et culturelle. Elle n'est pas un espace démocratique ou alors il faut y inclure Israël et pourquoi pas le Japon.
On voit bien l'absurdité qu'il y a à vouloir construire l'Europe sur des valeurs démocratiques qui sont transnationales et transcontinentales. A mes yeux l'Europe est un espace de civilisation marqué par trois héritages fondamentaux. Celui de la pensée grecque, de l'humanisme romain et de l'héritage chrétien, catholique et protestant mais aussi orthodoxe. La tradition des Lumières n'est pas constitutive de l'Europe même si elle y a joué un rôle fondamental. Les Etats unis, très marqués par les Lumières anglo saxonnes, ne sont pas en Europe.
Tandis que la Pologne et l'Irlande catholiques, qui furent très rétives à l'esprit des Lumières (comme ce fut aussi le cas du Portugal ou de l'Espagne) font partie de l'Europe. L'Europe n'est donc pas l'Occident. Et la question se pose aussi de la place de la Russie qui a mon sens n'est pas européenne. Tant que nous ne serons pas capables de délimiter l'Europe nous ne pourrons pas l'habiter politiquement. | |
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