Un projet d’éducation à la citoyenneté

Messages : 14980 Date d'inscription : 30/05/2011

Pourquoi ne pas essayer, l'idée vaut que l'on s'y arrête, même si "en même temps" ça peut être compliqué à organiser ?

Citation :: Jean Viard : « Un grand voyage en France pour tous les jeunes, voilà un projet d’éducation à la citoyenneté »

LE MONDE | 24.12.2017 | Par Jean Viard

TRIBUNE. « L’été dernier, on a fait l’Italie, c’était magnifique. » Combien de fois n’a-t-on entendu cette phrase pour l’Italie ou New York, Londres ou Barcelone ? Mais… la France ? « Fait-on » encore la France quand on est français ? Enseigne-t-on le voyage en France, si cher à George Sand et à tant d’autres ? Formons-nous notre jeunesse, nos citoyens et tous ceux qui nous visitent, dans cette complicité puissante avec notre territoire, ses hauts lieux de mémoire ou de nature et de création, ses monuments et ses diversités ? N’aurions-nous pas laissé les vacances en France devenir promenade et divertissement plus que découverte et partage d’une culture et de ses diverses formes ? Et encore, seulement pour les 60 % d’entre nous qui partent régulièrement en vacances et qui souvent ne sortent pas de leur région.

Et ce qui est vrai de la France n’est-il pas encore plus vrai de chacune de nos régions, de nos nouvelles régions ? Ne laisse-t-on pas les débats sur les territoires se résumer à de l’aménagement et à des combats politiques, quand le grand combat de la mémoire, du sens et des valeurs est oublié ?

Autrement dit : sans connaître ni la Méditerranée, ni la Bretagne, ni le mont Blanc, ni Paris, ni la place de la Bastille, ni Strasbourg, ni Marseille, est-on totalement français ? Et le Rhin, le Rhône ou la Loire, la Garonne et la Charente… Chartres, bien sûr, et la synagogue de Carpentras, la Grande Mosquée de Paris, la Sorbonne et le Louvre. La promenade des Anglais aussi, et la stèle qui s’y dresse. Avant de courir à Disneyland, n’y a-t-il pas d’autres voyages, d’autres émotions, d’autres souvenirs à découvrir et partager pour se sentir de France, ou sentir la France si l’on est d’ailleurs ?

D’autant que la SNCF a fait disparaître les photos en noir et blanc des hauts lieux ludiques du corps charnel de la patrie qui ornaient ses wagons. Certes, la télévision nous abreuve d’images, des cinéastes font un travail majeur sur l’imaginaire des lieux – de Robert Guédiguian à Dany Boon –, mais voir et sentir, méditer devant un monument aux morts, ressentir le soleil ou le mistral, les odeurs et les ambiances, est-ce la même chose ?
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Messages : 14980 Date d'inscription : 30/05/2011

Citation :: ---/---
Alors, « faire » la France pourrait devenir un projet d’une éducation à la citoyenneté, élément essentiel de la création d’un sentiment d’appartenance « patriotique », voire « matriotique ». Il faut proposer région par région, et sur l’ensemble du territoire, des chemins de la découverte qui lient mémoire, hauts lieux, arts et créations. Il faut refaire société en faisant territoire, apprendre l’appartenance par le voyage, en train, à pied, en bus, voire en bateau. Les guides d’hier furent des guides du patrimoine, peu à peu ils intégrèrent la nature, il faut les réinventer en y intégrant l’avenir et le travail, l’art, l’invention, le dérangement qui fait émotions et débats.

Ce qu’on appelait le corps charnel de la patrie doit être parcouru et apprécié pour faire société partagée, diversités acceptées et aimées. Et cet apprentissage-là doit ouvrir à celui du corps charnel de l’Europe et au parcours du monde. Le territoire doit être repensé comme une immense bibliothèque dont le ministère de la culture doit se saisir avec celui des territoires.

On pourrait commencer par organiser à 16 ans un large voyage en France pour que tous connaissent Paris, les Champs-Elysées et la Bastille, la Sorbonne, Versailles, Saclay et la Friche de la Belle de mai, la Méditerranée, Verdun, la Bretagne, les Alpes et l’Alsace… Faire société ensemble dans une société de mobilité n’est pas possible si les uns voyagent et connaissent, tandis que les autres tiennent le pied des immeubles, ou ne connaissent que Disneyland et la plage la plus proche. Ce « faire » la France était d’ailleurs un des apports du service national qui a disparu sans qu’on en parle, et il pourrait être la base du nouveau projet que cherche le président de la République.

Alors pensons, région par région, un voyage de rassemblement et de curiosité comme ont été pensés les voyages à Nantes ou au Havre, et engageons au niveau national le grand projet du voyage universel en France à 16 ans. Quittons ensemble la carte de France pour parcourir son territoire charnel, celui des compagnons du tour de France. Et chacun, qui aura quitté son domicile à 16 ans, encore plus souvent qu’on ne croit pour la première fois, y reviendra avec un œil neuf et un désir de vie plus fort. « Faire » la France, n’est-ce pas ainsi faire un pas vers la République ? Et demain, faire sa région, puis l’Europe, un pas vers l’avenir ?

Jean Viard, sociologue, directeur de recherche associé au Cevipof/CNRS.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/12/24/un-grand-voyage-en-france-pour-tous-les-jeunes-voila-un-projet-d-education-a-la-citoyennete_5234074_3232.html

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