Publié le 28 juin 2018 par maximetandonnet
Paru le 25 juin dans Figaro Vox:
L’anecdotique prend chaque jour une place croissante dans l’actualité intérieure française. A chaque jour sa petite phrase ou son micro-scandale: le tennis de la Lanterne, la piscine de Bregançon, le vol de 110 km du chef de l’Etat, sa leçon de politesse à un adolescent, ses petites phrases sur « la lèpre »ou le « pognon fou », les comptes de campagne, la nomination comme « chanoine », la fête de la musique à l’Elysée. Et quand l’attention médiatique s’éloigne de son obsession élyséenne, c’est pour replonger, ailleurs, dans le futile et l’accessoire: un tract qui ose formuler le nom « France » fait scandale, les cartons de Mme Calmels, les dédicaces de M. Hollande, … De fait, la provocation rythme la vie politico-médiatique. La polémique est banalisée au point de devenir la normalité. La politique française n’est même plus dans une logique de communication, qui suppose un message, mais dans une réalité virtuelle, un grand spectacle nihiliste.
L’insulte et la caricature y prennent une place grandissante. La France du bien, supposée jeune, moderne, accueillante et généreuse s’oppose à la « vieille France, raciste et homophobe » comme dit un chanteur, dans une guerre sans merci. La bonne conscience se déchaîne contre l’Italie et son gouvernement paria, qui a rejoint les autres maudits, le Royaume-Uni, la Pologne et la Hongrie, dans le camp du mal. Bientôt l’Allemagne? L’idée même de songer à maîtriser sa frontière – comme l’ont fait toutes les nations de la planète à toutes les époques de l’histoire – aux yeux des bonnes consciences françaises, est devenue insoutenable. La pureté généreuse, d’une part, et le mal réactionnaire, d’autre part, c’est-à-dire l’ange et la bête, se livrent quotidiennement à une guerre haineuse en toutes les occasions: l’Aquarius, la « fête de la musique » à l’Elysée, le projet de concert de Medine au Bataclan. Souvent, « qui veut faire l’ange fait la bête »: mais qui est encore capable d’entendre la fameuse pensée?
Le culte de la personnalité écrase tout sur son passage. La seule question qui compte: adorer ou détester l’occupant de l’Elysée. En dehors de ce sujet, plus rien n’existe. Quatre ans à l’avance, l’obsession présidentialiste bat déjà son plein, ronge les esprits. La sondagite se déchaîne. La vie politico-médiatique se réduit inexorablement à une question: la future élection présidentielle en 2022. Quel sera le prochain « sauveur providentiel » du pays à l’horizon de quatre ans? Une question qui déjà, écrase tout le reste. Le culte du chef n’a jamais été aussi puissant dans une France « d’en haut » qui, paradoxalement, vomit l’autorité. Il n’est rien d’autre que le masque du néant politique.
La vérité n’intéresse plus personne. Une partie de l’opinion publique s’extasie devant la « transformation de la France ». Au-delà des coups de menton, qu’est-ce qui a authentiquement changé, quelles sont les améliorations, réelles, concrètes intervenues dans le champ économique et social? Par-delà l’intoxicatio quotidienne, qui aurait l’idée, simplement, de se poser la question? Le chômage de masse, la croissance en berne, l’endettement public, le déficit commercial. Voilà les sujets dont nul ne parle plus. Où en est la société française, ses problèmes d’exclusion, de violence, de pauvreté, de communautarisme? Où en est le niveau intellectuel du pays après des décennies de saccage de l’enseignement du français, de l’histoire et de la philosophie? Qui oserait, aujourd’hui, se hasarder à poser de telles questions?
Jamais peut-être dans l’histoire moderne la coupure entre les élites dirigeantes, politiques, médiatiques, judiciaires, économiques, et la majorité silencieuse, n’avait été aussi profonde. Le thème de la France unie et indivisible a disparu, tant il sonne faux dans le contexte actuel. Un couvercle de mépris s’est abattu sur le pays. Il s’exprime dans les termes qu’utilisent ceux « d’en haut » pour parler de ceux « d’en bas »: les terreux, les populistes ou les sans-dents…
Mais le plus nouveau, le plus étrange, c’est l’absence de toute espérance d’une relève, d’une alternance possible. L’apathie et l’indifférence ont gagné les esprits. Le parti socialiste a quasiment disparu, pour l’essentiel reconverti en LREM, les Républicains se noient dans leur guerre des chefs, et plus personne ne croit sérieusement en l’avenir du lepénisme. Peut-on mettre fin à l’anéantissement de la politique française, restaurer le débat d’idée, la notion de démocratie et la conscience d’un destin commun? Dans les circonstances de désarroi collectif, 1794, 1870, 1940 et la Résistance, 1958 autour de de Gaulle, le salut vient d’un groupe de personnes qui choisissent de faire prévaloir l’intérêt général sur la maladie de l’ego et de s’unir pour lancer un signe d’espoir au pays. Mais nous n’en sommes pas là…
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tout est dit nous sommes au niveau du bas empire romain qui va se faire bouffer par les barbares...